vendredi 5 novembre 2010

Mitterrand, la peine de mort et la politique moderne


On reste quelque chose de celui qu'on était à 20 ans
J'avoue.
J'étais dans la contradiction.
J'étais aussi dans l'ignorance...
Dans les années 1970, je n'avais pas de sympathie pour le Mitterrand garde des Sceaux, durant le début de la guerre d'Algérie, en 1956.
En 1956, j'avais 20 ans...
Je militais pour l'indépendance de l'Algérie.
Je vendais des livres contre la torture et l'assassinat politique : Alleg, Audin...
Je ne savais pas, alors, que Mitterrand avait de lourdes responsabilités dans l'exécution, sous la guillotine, de 45 Algériens, notamment dans le cadre de la prison Barberousse, à Alger !
Ma honte, c'est que je ne le savais pas davantage quand je l'ai soutenu, comme tant de Français qui voulaient en finir avec la permanente domination de la droite française.
Les attitudes de Pierre Mendès-France et d'Alain Savary, seules, étaient dignes, quand ils démissionnèrent du gouvernement Mollet, en pleine connaissance des crimes d'État perpétrés par le pouvoir d'alors. Ils l'ont payé de leur sortie définitive de la sphère des responsabilités publiques ! L'histoire, avec grand retard, comme toujours, leur donnera raison.

Ce qui m'étonne et me trouble profondément, c'est qu'il ait fallu attendre 2010 pour révéler à l'opinion que celui qui a aboli la peine de mort en 1981 est celui qui l'a approuvée et pratiquée dans le cadre d'une politique coloniale épouvantable.
Que Badinter avoue, aujourd'hui, que tout n'a pas été dit avec Mitterrand, dans leurs conversations privées, sur le sujet, fait peur. En réalité, y compris le courage et la clarté des propos de celui qui allait succéder à Giscard d'Estaing, lequel avait envoyé à l'échafaud un possible innocent, faisaient sans doute partie d'un choix politique plus que d'une conviction.

Et voilà où la question des questions surgit : au pouvoir, on ne décide pas selon ce qu'on croit juste, mais selon ce qu'on croit nécessaire de faire même si c'est injuste, meurtrier et condamné à être rejeté par l'histoire.
En 1981, Mitterrand avait politiquement besoin d'être lavé de ses crimes de 1956.
Quant à nous, alors petits larbins du parti socialiste, nous avons lâchement fermé les yeux et oublié notre curiosité vigilante, en frétillant à l'approche d'une conquête de pouvoirs restés inconnus depuis 1936 et, pour peu de temps, à la sortie de la guerre, en 1945.

Eh bien, si la politique n'était que cela, nous avions de quoi le savoir ! Les échecs, les trahisons, les compromis compromettants, les renoncements, les abandons qui ont suivi ne sont pas seulement ceux de Mitterrand : ce sont les nôtres.

Le réalisme politique est une lâcheté. Il mène à la plus haute violence. Ceux qui se vautrent dans les grands et petits pouvoirs se trahissent eux-mêmes et gâchent leur vie.

Il en est qui désertent le combat politique par claire conscience de l'impossibilité d'agir pour le bien de tous quand on accède au sommet de l'État ou à la plupart des fonctions exécutives. Certains replis religieux, au reste mensongers, qui correspondent à la généralisation des méthodes d'éminences grises, au lobbying dirait-on aujourd'hui, ne sont pas moins lâches car ils correspondent à du "poncepilatisme" : on influence mais on ne se salit pas les mains.

J'ai pensé et pense encore que la peine de mort est le révélateur de la sortie totale du système démocratique, plus largement de l'action citoyenne responsable au XXIe siècle. La mort donnée est la résignation à l'échec de la civilisation. Et là se trouvent convoqués tous les chercheurs en politique, tous les acteurs de la vie publique : pour être efficace, c'est à dire pour "changer la vie", comme nous le pensions en 1972, faut-il "prendre le pouvoir" ou... "vous le rendre" comme l'écrivait imprudemment ou cyniquement François Mitterrand ?

S'il faut tuer pour diriger, - les bons politiques ne sont-ils pas des "tueurs", d'habiles manipulateurs d'opinions sachant éliminer leurs adversaires ? -, alors, il y a rupture, une rupture philosophique absolue. Dans une société mondialisée dont chaque humain est un condamné à mort, l'espérance consiste à tenter de renoncer à cette loi de la jungle faite pour les loups. Nous sommes des hommes. La politique qui n'est pas politique, c'est-à-dire qui ne vise plus le bien commun, mais la puissance et la gloire, monarchique en droit ou en fait, ne saurait intéresser que ceux dont les ambitions sont hautes mais étroites, celles de la domination préférée au service.

Entre la naïveté du citoyen et le réalisme de son représentant, il y a , souvent un abîme, celui où sombrent les espoirs à courte vue. Le temps que l'on vit, il faut risquer davantage : refuser l'inhumanité construite pas l'homme. Si l'on échoue, c'est moins grave que d'être infidèle à ses propres raisons d'être.


Mitterrand est le reflet de notre propre image : il a trahi !

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