mardi 8 janvier 2008

J'ai eu politiquement tort

En écrivant, fin décembre :... "Et n'en parlons plus!", j'ai eu politiquement tort. Dans ce bref message que m'avaient inspiré les textes de Brossat et Badiou, j'ai commis l'erreur de lancer : "Tout est dit. Résister, c'est ne pas parler, désormais, en bien ou en mal, de ce personnage qui ridiculise la France". J'étais mieux inspiré en écrivant : "Il faut traiter les questions qui s'imposent à nous et pas celles que Sarkozy nous impose. Oui, il faut tourner la page avant qu'elle ne se tourne d'elle-même ou que les Français ne ferment, brutalement, ce livre et, en même temps, ce chapitre pitoyable de notre histoire".

La conférence de presse de Nicolas Sarkozy, aujourd'hui, me rappelle brutalement qu'on peut bien vouloir cesser de parler de l'homme; on ne pourra éviter de parler de la politique qu'il développe. Et puisque l'arrogance et le sans gêne en font partie, il faudra aussi, hélas, continuer à parler de l'homme qui affiche avec impudence sa solitude superbe, assumée dans l'exercice des pouvoirs qu'il exerce, de droit, ou qu'il s'arroge, de fait.

Comment sortir de la contradiction : "en" parler sans "en" parler? D'abord, en ne réagissant pas, sur le champ, à chaque manifestation du spectacle politique où la vedette continue son one man-show. En ne se laissant pas éblouir par l'éclat de chaque provocation. Les citoyens sont bousculés, mis devants des faits accomplis, matés comme des animaux domestiques ou hypnotisés comme l'oiseau devant le serpent. Il faut que ceux qui ne disposent ni du pouvoir des services de l'État, ni du pouvoirs des mots et des images, échappent à cette fascination. Ensuite, en analysant ce qu'il y a sous l'écaille des mots. L'abandon des 35 heures suffirait à élever le plus haut possible le niveau de l'opposition; il va falloir en convaincre une majorité de français.

Pour qu'un jour, bientôt ou plus tard, en tout cas dès que ce sera possible, on cesse de parler de ce prestidigitateur qui escamote les vraies questions, de cet illusionniste qui trompe les citoyens, il faut s'imposer le travail de démystification devant lequel les politiciens traditionnels ne peuvent que renâcler car Sarkozy fait ce qu'ils aimeraient savoir faire : jeter de la poudre aux yeux...

Résistance et non-violence. (1)

La faiblesse de la violence tient à ce qu’elle n’est pas efficace.
L’État dispose presque toujours de pouvoirs (ceux de la police et de l’armée) supérieurs à ceux des résistants.
Il convient donc de ne pas croire à la possibilité de prendre position dans le court créneau de ce « presque ».
La lutte idéologique doit être totale et c’est une lutte à mort.
La résistance à la doctrine libéralo-étatiste qui l'emporte, actuellement, en France, ne peut se développer que par la multiplication des combats non-violents.
Car il s’agit de combats : il restera une idéologie sur le carreau de l’histoire.
Mais il s’agit de non-violence : les armes à choisir ne sont ni des fusils, ni des gourdins, ni des bombes.
La difficulté du combat non-violent, c’est qu’il est mené par des hommes dont la culture n’est pas comprise. On admire Gandhi ou Martin Luther King. On ne croit pas vraiment que leur action a été décisive.
La résistance à l’idéologie néoconservatrice que Nicolas Sarkozi impulse avec autorité et efficacité oblige à faire un lourd travail qui ne dissocie plus la fin et les moyens. Il ne suffit plus d’avoir raison. Il faut le démontrer par l’action, mais pas en confondant la révolte et la révolution.
La non-violence retourne les perspectives traditionnelles des pouvoirs. Elle engendre donc la révolution sociale et politique. La révolte est, elle, une réaction contre la réaction ; elle est compréhensible (ô combien !) mais elle ne débouche que sur des changements fragiles et temporaires.
Le temps de l’action non-violente est revenu. Il ne consiste plus à mener des actions du type de celles que menèrent le Mahatma (pour l’indépendance contre l’Empire britannique, aux Indes) ou le pasteur noir américain (pour les droits civiques contre le racisme et la ségrégation, aux USA).
Il s’agit d’attaquer, je dis bien d’attaquer, les croyances faussement démocratiques à leur racine : celle, d’une part, de la délégation totale des décisions aux élus, en matière d’organisation des pouvoirs publics, celle, d’autre part, de la religion de la croissance et du progrès en matière de répartition de la richesse économique.
Ces deux mises en questions de croyances destructrices pour l’humanité portent des noms. Il s’agit de la fin des partis (à remplacer par la politisation citoyenne permanente appuyée sur l’informatisation) et de l'essor de la décroissance (à promouvoir comme choix de la sobriété et du partage face à une surproduction indépendante des besoins).
On peut encore définir le contenu de ces actions non-violentes comme une lutte écologique au quotidien, indissociable des luttes sociales visant à établir une justice durable. Les minorités aux pouvoirs, États, entreprises, associations ne peuvent agir pour toutes les populations humaines concernées ; il devient impératif que ces populations elles-mêmes interviennent et se prennent en charge y compris dans le détail de l’organisation économique.

Les philosophes peuvent-ils être croyants ?

Un ami me pose la question suivante qu'il juge néanmoins, et bien à tort, idiote :
"les philosophes, les vrais, pas ceux de salons, peuvent-ils être croyants ?"
Telle est ma réponse.


Non seulement la question n'est pas idiote, mais elle est fondamentale.
Le philosophe ne s'interdit aucune question.
Il ne s'en tiendra donc pas à des vérités qu'on lui demanderait de croire.
Mais qu'est-ce que croire?
Croire est polysémique : admettre? Accepter? Adhérer?
Le croyant est celui qui ne discute plus ce qu'il croit.
Il met ainsi sa foi en danger!
Dire d'une parole qu'elle est sacrée serait la banaliser.
Généraliser un propos en le marquant du sceau de l'indiscutable est faux.
Croire peut aussi avoir un autre sens : faire fond, avoir confiance.
Je crois que tu m'aimes..., alors je te donne ma foi.
Je me fie à toi. Je peux me fiancer. M'unir à toi.
Croire devient alors une question d'amour.
Mais croire quelqu'un et croire en quelqu'un sont deux.
Tenir pour vrai et tenir pour honnête, également.
Tenir pour sûr et tenir pour probable, tout autant!
Pour ma part, je ne crois pas
en Jésus Christ.
Souvent, je crois Jésus Christ.
J'attache valeur à sa parole.
Si une autorité à la quelle le croyant se réfère profère une erreur
alors doit-il la croire?
L'Église a condamné Galilée
et pourtant... la Terre tournait.
Il a fallu Jean-Paul II pour que le Vatican confesse cette faute!
Et le même pape encore, pour qu'on cesse de juger le peuple juif déicide!
La foi est tout autre : c'est le pari fait quand la raison rend les armes,
le choix de vie qu'on décide avant d'avoir pu tout comprendre.
On peut, certes, s'abstenir de faire ce saut dans l'inconnu,
mais en sachant que ce n'est pas plus sûr que demeurer dans le doute.
Le croyant ne croit pas; il sait. Ou croit savoir!
Et se trompe plus que quiconque.
L'homme de foi, au contraire, s'engage en bousculant ses doutes.
Croyants et croyances sont fragiles
et parfois insupportables ou dangereux.
La foi est le propre de l'homme.
Le philosophe n'a donc pas de croyances.
mais il sait la possibilité, la difficulté et les fondements de toute foi.
Il vit alors avec, ou sans, librement.

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