lundi 21 mai 2012

De la croissance économique à la croissance politique.

 

Les discours enflammés sur la croissance ne serviront à rien. La croissance ne se décrète pas. On ne fait pas pousser les branches de nos arbres au cœur de l'hiver. Or, nous sommes en hiver. Il en est des sociétés humaines comme de la nature : il y a une période où l'eau et le soleil font monter la sève mais il en est une autre où le repos et la moindre activité s'imposent.

"Bien entendu, disait De Gaulle1, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien". L'Europe est aujourd'hui à la peine et ce n'est pas la croissance qui la sauvera car «  on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant croissance, croissance, croissance... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien ».

Il est des réalités que les dirigeants occidentaux ne veulent pas voir parce qu'elles les affolent et mettent en question leurs certitudes économiques les mieux installées. Non seulement notre planète a des limites et l'on n'y peut pas produire toujours plus de biens et de services, mais nos ressources, au rythme où nous les exploitons, s'épuisent et nous franchissons, actuellement, et le « pic oil » et le « pic all ». Il nous faut repenser notre action économique en fonction de ce que la nature nous offre et renouvelle constamment, sans gâchis et sans pillage. En dépend la vie de sept, bientôt dix milliards d'humains.

Nous étions peu nombreux à affirmer que l'écologie, chassée de la campagne électorale par la porte, reviendrait vite par les fenêtres et s'imposerait dans nos tout proches débats. C'est fait. Et nous voici, comme citoyens très concernés, ne pouvant guère compter sur les écologistes patentés au sein de leur parti, enfermés dans leurs alliances et à l'affut de places qu'ils n'obtiendront que chichement. L'écologie politique n'est ni l'affaire du petit nombre des écologistes qui se brûlent les ailes chaque fois qu'ils s'approchent trop près de la flamme du pouvoir, ni du reste, de quelque parti politique que ce soit car elle n'est plus une partie de la politique mais la politique elle-même, tout entière, c'est-à-dire tout ce dont sont faites nos vies.

Eau, énergie, nourriture, transports, pollutions, démographie, climat, gestion des risques; etc..., tout devient enjeu écologique.

L'eau peut devenir cause de guerres là où elle viendrait à manquer ou causerait des épidémies au lieu d'assurer l'hygiène et la santé.

Les énergies aux multiples sources, sans lesquelles notre action est faible, ne peuvent plus seulement dépendre du charbon, du pétrole et de l'uranium et c'est pourquoi une longue action de « décarbonation » et d'exploitation des énergies renouvelables doit s'engager sous peine de laisser à notre déscendance une Terre ruinée et vide. Il y a urgence et la recherche technologique, notamment pour le développement des énergies solaire et géothermique, ne doit plus subir la priorité et donc le freinage des entreprises pétrolières et nucléaires.

La nourriture a cessé d'être prioritairement une marchandise le jour où il est apparu qu'on ne peut plus la laisser se dégrader et perdre dans nos greniers ou dans nos usines agricoles, bien qu'elle puisse être produite en quantité suffisante pour nourrir les milliards d'humains que nous sommes, à condition de ne plus imposer notre régime alimentaire exagérément carné au monde entier.

Les transports, trop liés au pétrole et à l'électricité, vont devoir être repensés et toute l'industrie du tourisme va s'en trouver bouleversée. En vingt ans, les hommes vont devoir réapprendre à utiliser des moyens de circulation qui ne fassent plus de la vitesse le facteur décisif de choix des véhicules de déplacement. Des transports en commun, moins gourmands en énergie, vont devoir être proposés et nous aurrons à nous y habituer.

Les pollutions, non pas les malpropretés et les souillures mais les atteintes à la santé, du fait de l'usage de produits sanitaires, d'engrais et de pesticides ravageurs pour les populations animales dont l'homme fait partie, ne peuvent plus être supportées. On connaît les effets cancérigènes ou mutilants de produits qu'on a utilisés sans vergogne dans les industries et dans l'agriculture. On ne viendra pas à bout de ces pratiques sans des luttes politiques intenses qui seront tout sauf paisibles.

La démographie qui commande toutes les actions humaines ne peut plus être considérée comme une science d'observation du donné humain. Elle est l'étude de toutes les causes qui génèrent des fluctuations parfois rapides et considérables dans les populations humaines. On ne comprend guère pourquoi ce n'est pas une discipline universitaire privilégiée qui engloberait la géographie, l'anthropologie avec leurs appendices économiques et sociaux. Il y va de la connaissance de la planète de plus en plus étroite où nous vivons sans pouvoir nous en échapper. La juxtaposition d'États-nations voulant décider de tout chez eux, dans ce contexte planétaire en pleine évolution, apparaît de plus en plus surannée. Vivre ensemble sur toute la Terre avec, à la mi-siècle, dix milliards peut-être d'humains vivants, puis, après une lente décrue dont nous savons seulement qu'elle comportera un vieillisement massif, est un enjeu sans équivalent dans l'histoire de l'humanité. Toute politique, évidemment, en dépend.

Le climat détermine nos acivités mais nos activités, en ce siècle, nous le savons à présent, ont fini par déterminer le climat. D'aucuns, qui se disent scientifiques, le nient et ne veulent pas le savoir, mais l'élévation des températures, la fonte des glaces, les manifestations brutales des intempéries se sont produites à un rythme jamais connu et donc sont de plus en plus difficiles à prévoir et contrôler. Pour réduire, ralentir, avant de pouvoir les arrêter, les effets de ces bouleversements climatiques, il faut agir tout de suite, tout en sachant qu'il faudra des décennies avant d'éloigner les risques majeurs qui pèsent sur nos civilisations. Les actuels « maîtres » de l'économie et des institutions politiques ne peuvent l'ignorer mais ils hésitent, tant sont lourdes les décisions à prendre, décalées dans leur temps d'exercice de leurs mandats, et qui, si elles ne sont pas annoncées, expliquées et partagées, seront très impopulaires.

Restent, précisément, la prévention des risques que connaissent des peuples entiers du fait des inondations, tsunamis, tornades, volcanisme, tellurisme, risques en partie naturels mais aussi alourdis par les choix économiques des hommes qui engendrent parfois des effets désastreux. Car les risques peuvent être dûs non seulement au déchaînement des forces que la nature libère, ils proviennent aussi de l'incapacité des producteurs humains à maîtriser leurs « créatures » en entrainant des ravages maritimes ou des pertes de contrôle de centrales nucléaires. Tchernobyl et Fukushima en auront fourni notamment les preuves mais sans, du reste, que cela ait suffi à convaincre ceux qui se sont engagés, de toute leur intelligence, dans des aventures passionnantes sans doute, mais qui les ont mués en apprentis sorciers.

Etc, enfin, car tout n'est pas dit... Il n'y a pas de compromis possible entre ceux pour qui la survie de l'humanité passe avant tout et ceux qui considèrent que les pires risques font inévitablement partie de notre histoire. Pour ceux qui parient sur l'utopie d'un monde plus pacifié, il n'y pas d'accord pensable avec ceux qui jugent que fait partie de la condition humaine la violence des guerres auxquelles nous auront échappé, depuis 1945, en Europe de l'ouest, mais nullement ailleurs, à l'est du micro-continent, en Yougoslavie, et en Tchétchénie, en particulier, mais aussi en maints pays d'Asie et d'Afrique. On est là devant la question philosophique par excellence qui donne leur sens aux politiques qui s'affrontent : ou bien, considérant l'histoire, on estime que l'homme est une menace permanente pour l'homme et un facteur de maux dont on ne peut que limiter la perversité, ou bien l'on s'engage dans la voie, jamais empruntée, de la paix en actes et de la justice mise en œuvre. Il n'y aurait là rien de plus révolutionnaire que ce que les philosophes du XVIIIe siècle avaient posé dans le champ des possibles avec les Droits de l'homme et du citoyen, l'abrogation des privilèges et la devise liberté, égalité, fraternité.

À ceci près : faire entrer l'utopie dans la réalité, faute de pouvoir prolonger l'histoire humaine dans le cadre des données actuelles, est un pari gigantesque qui, selon les mythes qui ont bâti notre pensée, est trop lourd et trop douloureux, pour les épaules d'Atlas portant toute la Terre, et les bras de Sisyphe remontant, sans fin, un rocher impossible à fixer au sommet de ses épreuves.

Il nous faut donc porter la planète et rendre possible l'impossible. La croissance est, à côté, une espérance d'autant plus ridicule qu'elle est vaine ! Et pourtant, nous n'avons plus le choix. Nous ne pouvons laisser les générations qui nous suivent s'installer sur un volcan, sauf à décréter que nous avons fait notre temps sur terre. Cette pensée peut se concevoir, individu par individu, et le suicide fait partie des choix qu'un être humain peut effectuer quand il considère que toute issue heureuse lui est enlevée. Il n'en est pas de même pour l'ensemble des sept milliards de personnes en qui la conscience a jailli.

Mieux vaut une folie rationnelle à la hauteur de notre dignité que le réalisme meurtrier dans lequel nous nous engluons, discours après discours, débat après débat, conférence après conférence. Redonner foi en nous-mêmes, petits usagers de la planète où nous sommes pour longtemps encore enfermés, est devenu l'obligation des obligations.

Le comble du comble est donc que nous voici condamnés à réussir ce qui jamais n'est advenu : non pas l'installation dans le Paradis terrestre, mais dans une citoyenneté planétaire effective et réussie, laquelle suppose un partage et une solidarité... croissantes.

Le 21 mai 2012

1 - Conférence de presse du 14 décembre 1965.

dimanche 13 mai 2012

Croissance et lenteur


On ne va pas contre la mode. Or, la croissance est, tout à la fois, mode et culte.

Une mode verbale ?  Pas un discours où il ne soit question de "relancer la croissance", de "pacte de croissance", de "fruits de la croissance" ou de "libération de la croissance"... Bref, sans croissance, rien ne serait possible. Les succès ou les échecs s'expliqueraient par la chance ou la malchance de ceux qui héritent d'un taux de croissance faible ou élevé. Lionel Jospin avait gouverné en période de croissance tandis que Nicolas Sarkozy a rencontré une croissance "molle" puis quasi nulle...

Laissons de côté, pour une fois, la critique des partisans de la décroissance qui, même si elle est, intellectuellement fondée, ne résiste pas à la doxa économiste qui veut qu'il faut croire à ce qu'on fait et donc rechercher comment produire plus pour que l'activité économique dope l'emploi.

Car l'action politique ne consiste pas seulement à avoir raison. Encore faut-il convaincre. Or, dire aux Français, aux Européens aux occidentaux en général ainsi qu'aux peuples qui ont été conquis par la doctrine capitaliste occidentale que la croissance ne sera plus au rendez-vous est impossible et impensable.

En 2007, celui qui allait devenir Président de la république française avait gagné la bataille des idées avec une fausse évidence : "on peut gagner plus en travaillant plus". Aujourd'hui, on avance une idée voisine : "on peut échapper à l'austérité en relançant la croissance". La seule différence entre les deux formules est que, il y a cinq ans, l'espoir de s'enrichir par l'effort avait rencontré un vrai succès, bien que passager, tandis qu'aujourd'hui, en 2012, les écailles sont tombées des yeux : il n'y a plus de travail pour tout le monde et la consommation des ménages, nourrie par les salaires, ne va pas s'accroître comme au cours des décennies passées.

Alors, on va tenter de faire ouvrir les bas de laine, on va rechercher dans l'épargne les revenus qui manquent pour dynamiser les ventes, mais cela aussi n'aura qu'un temps car les épargnants, prudents, ne vont pas mettre en péril leur avenir en vidant leurs comptes, en fragilisant leurs ultimes ressources.

La croissance est un culte, celui du Veau d'or. La Bible dit ce qu'il advint des Hébreux qui ont cédé à cette idole. Sortis d'Égypte, privés de la présence de Moïse, ils fondirent leurs bracelets et colliers d'or pour avoir un dieu qui expriment leur richesse. Cette croyance s'effondra dès que Moïse, descendu de la montagne, eut révélé l'imposture. Le culte de la croissance est une imposture.

Ou bien la croissance sera, à coup sûr, au rendez-vous de l'Europe et il faut cesser de jeter le doute sur la possibilité de "rebooster" l'activité économique, ou bien la croissance sera déclenchée si, et seulement si, les conditions économiques sont favorables et il faut bien alors parler d'incantation. Pour un peu, on brûlerait des cierges pour qu'enfin l'on constate le retour de la croissance, comme jadis le retour de la pluie après la procession. On veut non seulement produire plus mais aller vite. Il faut produire et consommer sans prendre le temps de choisir car on risquerait alors de renoncer à certaines productions ou d'abandonner des produits sans intérêt pour les humains. On mettrait ainsi la croissance en péril...  Penser et s'informer demande du temps. Tout est rassemblé pour interdire de changer de "logiciel", pour conduire à croire l'information mille fois répétée et tombant comme pluie sans qu'on puisse s'en mettre à l'abri !

Quel que soit le gouvernement, dans chacun des pays qui viennent d'organiser des élections, le même conditionnement politique conduit aux mêmes choix à quelques nuances près : il faut réduire et rembourser les dettes, cesser de vivre au-dessus de ses moyens et donc faire payer les citoyens en prélevant sur leurs revenus et leurs avantages sociaux. Nul n'explique la généalogie de ces dettes et nul ne cherche comment faire régresser l'écart abyssal entre les revenus. Bref la politique est soumise à l'économie et non l'inverse, ce que nous savons depuis des lustres.

La pression exercée par l'Union européenne sur la Grèce fait penser aux pressions exercées sur les États mal-votants qui avaient repoussé, par référendum, le traité de l'Union européenne (dont on voir bien, à présent, qu'il contenait l'obligation d'avoir à se soumettre à des principes libéraux dans lesquels les États membres s'engluent un par un).

Changer de logiciel signifie, en politique, deux choses : supprimer un formatage intellectuel qui interdit de penser l'avenir en dehors des normes toutes faites ; ralentir le rythmes de décisions qu'on s'usera à remettre en cause et qui ne fournissent que des réponses immédiates à des problématiques complexes.

La démocratie, décidément, s'autodétruit quand elle n'est plus qu'une machine à élire. Les exemples actuels sont multiples : de l'Algérie à la Russie, de la Syrie à l'Espagne, de la Grèce à ... la France ! Si la fin du sarkozisme est une chance, il ne faut pas un seul instant continuer de penser que tout dépend d'un Chef d'État. Si les peuples, avec sagesse et lenteur, ne réussissent pas à imposer leur loi qui n'est pas faite que des lois parlementaires, alors nous allons traverser une période tragique. Puissent les "indignés", ces vigiles témoins de la jeunesse du monde, peser sur les travaux politiques de ceux qui ont non pas à nous gouverner mais à gouverner avec nous.


Qui veut voyager loin ménage sa monture.

mardi 8 mai 2012

À quand la politique et la démocratie ?

Il est incorrect de ne pas se réjouir avec les vainqueurs, surtout quand on a apporté sa faible contribution à la victoire. Eh bien, tant pis.

Depuis le 6 mai, c'était il n'y a pas deux jours, j'observe, éberlué, la suite d'un spectacle médiatique qui n' a pas grand chose à voir avec la politique et qui me semble éloigné de la démocratie véritable.


Je ne voudrais pas me montrer méprisant à l'égard de ceux dont on coulé les larmes de joie ou de dépit, mais je ne comprends pas trop cette insistance sur des sentiments respectables mais nullement décisifs. Les médias auront capté et étalé ces images parfois indécentes qui révélaient triomphalisme ou détresse...

Je constate aussi qu'en fait de changement, les mêmes commentateurs, les mêmes personnalités politiques se jettent sur les micros et se livrent à des analyses qui ne sont que des justifications a posteriori. En fait  de recherche de ce qui peut se produire de neuf dans le pays, je n'entends rien...

Tout bien réfléchi, et je ne fais que me répéter, la 5ème République ne peut satisfaire la demande politique et enferme les citoyens dans des processus électoraux qui figent ou détournent leur expression.


Autrement dit, nous venons d'assister à la ènième manifestation d'un jeu politicien qui place les acteurs dans la tribune, une fois qu'ils ont payé leur place au moyen d'un bulletin de vote, en ne laissant sur scène que les vedettes.

Nous ne savons, du reste, pratiquer la démocratie autrement. Nous avons été formatés pour ne penser notre rôle que dans ce cadre institutionnel plus que jamais incontesté mais pas incontestable !

Nous assistons au triomphe des partis, y compris de ceux qui sont défaits et qui, déjà, préparent leur revanche. Et cette débauche d'élections sans suivi politique, partout en Europe, ne fait qu'accentuer le caractère douteux de pratiques électorales qui servent de défouloirs et qui ne sont pas appliquées à la réalité des questions que les hommes ont à affronter.

On vote en Syrie. On vient de voter en Grèce. On voudrait bien voter en Égypte. On a voté aussi en Grande-Bretagne. Il y a quelques mois on votait en Espagne. On aura voté en Russie. On va voter aux USA. On revotera en juin en France. Etc.

La Syrie ne peut que voter conforme, sous peine de mort. La Grèce devra revoter si, faute de majorité, elle rejette la politique d'austérité qu'on lui a imposée. Le printemps arabe, en Égypte, n'est acceptable par l'armée que si elle conserve le pouvoir. Les Britanniques ont désavoué, pour la gestion des villes, ceux qu'ils avaient choisis pour diriger la Grande-Bretagne. Les Espagnols qui ont fait payer aux socialistes la déconfiture économique de leur pays, manifestent en masse contre le nouveau gouvernement. Poutine s'installe avec morgue et brutalité. Les USA vont se lancer dans une guerre médiatique et financière géante de quelques mois pour décider s'ils conservent ou non Obama, quatre ans encore. Quant à la France, elle va, pour la forme, se relancer dans une campagne électorale dont on connait déjà le résultat dès lors qu'il n'y a plus qu'une seule élection qui pèse, désormais.

J'ai quelque peine à penser que des élections fassent la démocratie. J'ai plus de mal encore à penser que les questions politiques fondamentales y soient abordées. 

Penser la politique avec Montesquieu ?

Je ne veux, désormais, consacrer du temps à mettre en évidence que ce n'est pas la conquête d'une majorité qui fait l'histoire d'un pays. J'ai seulement l'intuition que la débauche d'énergies et de crédits qui a conduit à un résultat électoral fragile aura usé et crispé des citoyens qui méritaient mieux et dont la créativité politique a été mise aux oubliettes le temps de faire sortir de l'ombre un nouveau prince.

Il est temps de "faire la politique" plutôt que de faire "de la" politique et il n'a jamais été aussi important de faire saisir que la démocratie réduite aux élections n'est pas la démocratie. Avec beaucoup d'autres, chercheurs ou simples acteurs locaux, je veux m'y employer.

jeudi 3 mai 2012

Voter Hollande quand même ?


Voter pour un "socialiste libéral", c'est-à-dire une contradiction vivante ? Voter pour qui, rapidement, va me transformer en opposant ? Voter pour celui qui se contentera, comme l'avait fait Mitterrand, en 1981, avec Plogoff, de limiter à une centrale la dénucléarisation de la France ? Voter pour celui qui expulsera, tout autant que son prédécesseur, les Roms, les sans papiers et les mauvais payeurs, brefs les plus démunis des hommes  vivant près de nous ? Voter pour un responsable politique qui dit, contre toute évidence, pouvoir compter sur la croissance pour redonner de l'emploi ? Voter pour qu'une équipe de ministres et de conseillers comprenne les Vals, Moscovici, et autre Rebsamen, tous plus à droite qu'un centriste à la Bayrou ? Voter pour le candidat d'un parti, dont nombre de leaders étaient près, voici moins d'un an, en dépit de ce que tout le monde savait, à se rallier à un DSK ?

Et néanmoins, voter, sans illusion, pour nous soulager d'un mal par un moindre mal ? Voter, en tombant, consciemment, dans le bipartisme qu'on n'a pourtant cessé de dénoncer ? Voter en sachant que, bientôt, nos maigres espoirs se transformeront en résignations ? S'en tenir, ainsi, à chasser Sarkozy, champion des riches, des "forts" et des nationalistes ? Voter sans voter en quelque sorte. Fermer les yeux ; ne plus chercher à choisir ; éliminer...


Maintenant que le vote blanc, confisqué par Marine Le Pen, est devenu brun, il me va falloir, comme au premier tour, où j'avais voté blanc-vert, (une goutte d'écologie dans un océan de bienpensance politicienne) voter blanc-rose, un rose très pale (une goutte de socialisme dans une mer de bienpensance social-démocrate).

Impossible de voter blanc, alors que ce serait l'acte logique de tous ceux qui  voudraient choisir de ne pas choisir. En France, si "blanc n'est pas nul", voter blanc est transparent et n'est pas une opinion exprimée ! Encore un dispositif électoral antidémocratique...

Je vais voter en acceptant la faute constitutionnelle que constitue ce mode de scrutin dont il faudra bien que la France se débarrasse. Je vais voter la honte au cœur et l'amertume aux lèvres. Je vais voter sans rien accorder au PS. Je m'y apprête... Hélas ! Je vais faire ce que je me refusais, hier encore, obstinément, de faire !

Et dès le 7 mai, il faudra, je le sais aussi, que rentrent, par la fenêtre, les questions écologiques majeures, décisives pour l'humanité, qu'on aura froidement, sciemment, cyniquement, mises à la porte. Le 7 mai, une fois passées cette élection-spectacle et son cirque médiatique, reviendra le temps de la politique, la vraie politique libérée de toute doxa, celle des citoyens capables de penser et vivre sans partis. Ce disant, je sais que Don Quichotte n'est pas loin de moi... J'accepte volontiers qu'on rie de ma naïveté mais je ne veux pas, et ne peux d'ailleurs pas, ne vivre que de doutes.

Je serai donc parmi ceux qui sèment des graines en pensant que si l'une d'elles, une seule, germe, des événements vont balayer les fausses évidences dont les politiciens se nourrissent. La victoire probable de François Hollande sera, paradoxalement, une défaite provisoire et tactique, une de plus, subie par ceux qui ont tort d'avoir raison trop tôt et qui savent que le siècle ne peut s'écouler paisiblement dans la quête du "toujours plus" de croissance, le maintien du nucléaire civil et militaire, l'épuisement des ressources naturelles vivantes ou minières, la pollution lente des sociétés, la dérive climatique accélérée, et la paupérisation de ceux qui ne sont pour rien dans le malheur qui s'acharne sur eux ...


Que je prête la main à l'installation d'un pouvoir qui ne fera pas, de l'essentiel, sa préoccupation principale, me désole et m'accable. Mais je vais le faire. J'éviterai de regarder le visage de celui qui me tend le seau d'eau qui peut éteindre l'incendie. Je vais, la rage aux dents, me motiver pour que le changement en soit un et pas seulement "un changement de personnel", comme disait Sartre.

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