jeudi 15 octobre 2009

Un bien sans liens est un bien de rien.


Afficher l'image en taille réelleLes mots se bousculent et se recouvrent. L'un cache l'autre. La confusion s'ensuit. Rien n'est plus urgent que le discernement. Dans La Cité perverse, Dany-Pierre Dufour, professeur à l'université Paris VIII, expose que le culte de soi conduit à l'exhibition des pulsions. La promotion du plus, la volonté de possession de plus d'objets, plus d'argent, plus de plaisir, plus de tout, conduit au développement d'une société où le chacun pour soi autorise l'écrasement d'autrui.

Attention cependant, expose-t-il, de ne pas voir dans ce diagnostic un retour du moralisme! Morale, éthique, vertu, valeur, qualité, ont des sens voisins mais différents. Au nom du bien, combien de crimes n'a-t-on pas commis? Dès que des mœurs deviennent l'obligation à laquelle tous les membres d'un groupe doivent impérativement se soumettre, la morale remplace l'éthique et le libre arbitre cesse de se manifester dans les actes de "l'honnête homme"; il n'est plus alors de vertu. L'obéissance à l'ordre moral devient le régulateur de la vie sociale. La valeur n'est plus en soi mais dans ce que mesurent les gardiens de la bonne conduite.


Adopter le regard de l'enfant?

La morale est un ensemble de mœurs admises dans une société donnée en rapport avec une culture dominante. L'éthique est un ensemble de valeurs dont on a découvert la cohérence et qu'on a progressivement reconnues comme constructives de sa personne et de sa relation sociale. La vertu est la force qui habite l'homme en perpétuelle quête des valeurs. La valeur est la qualité qui se mesure, s'apprécie et se vérifie. La qualité est ce qui constitutif d'un bien. Le bien est ce qui est positif pour l'homme. Ces définitions banales (et, comme toutes les définitions philosophiquement discutables) révèlent tout de même que de la confusion peut jaillir la violence! Il suffit pour cela qu'on soit convaincu que la morale est universelle et que chacun doit s'y conformer sous peine d'être mis au ban, quand ce n'est pas mis hors d'état de mal vivre, donc mis à mort...

Tout état de droit est, à cet égard, une dictature. Il en est des lois sociales comme des lois morales: elles sont la pire ou la meilleure des contraintes! Une loi n'est pas bonne parce qu'elle est la loi. La désobéissance civile peut être une obligation morale. Une loi n'est pas mauvaise parce que c'est une loi, donc une règle qui nous soumet. Un repère fixe peut être une aide pour vivre en société, comme le modeste code de la route le prouve en préservant des vies. Le droit, longiligne et raide comme tout tracé de droite, peut être une route ou une barrière et c'est pourquoi l'état de droit ne peut être sacralisé; il est utile mais n'est ni fixe ni intouchable. Mieux vaudrait parler de société de droits. Avoir le droit (sous entendu, pour soi) signifie qu'une autorisation ou mieux une possibilité est ouverte. Celui qui ne se pense pas comme membre d'un tout, responsable de ce qui se produit dans un ensemble dont il ne constitue qu'une unité, confondra son droit avec son pouvoir, déterminé par son avoir. Sans vertu, il n'est pas de république. depuis les Lumières, on croit savoir cela. On l'oublie sans cesse. Le self-government est incompatible avec le self-love; ce n'est d'ailleurs pas s'aimer soi-même que n'aimer que soi-même. Vivre sans limites est illusoire et ne procure que des satisfactions momentanées. Le Prince qui peut jouir de tout sans entraves, au terme de sa vie, découvre sa vanité.


Nous avons toujours besoin de Montesquieu et de L'esprit des Lois

Revoici un temps de clarifications. Entre les doctrines sèches et vieillies dont on s'évertue à vouloir nous imposer les contenus obsolètes et le laisser faire, le sans limites le libéralisme a instillé du "sans limites" non seulement dans l'économie mais dans notre éthos (nos coutumes) au détriment de notre èthos (du grec ancien ἦθος / ễthos, pluriel ἤθη / ếthê, qui signifie le caractère, l’état d’âme.) La contradiction que nous vivons chaque jour est celle d'un monde sans loi et surchargé de lois. L'État hyperlégislatif est le même que l'État dérégulateur. La politique dominante est contraignante mais laxiste, moralisatrice mais sans éthique. Le culte de l'élite rejette la multitude des humbles vers le rien et non vers le bien. Le productivisme engendre son inverse, le manque. C'est vrai des réalités immatérielles autant que des richesses matérielles. La promesse de la vie riche pour tous camoufle la vie frustrée et rend insupportable la vie humble et heureuse.


La solidarité des Terriens : mieux qu'une loi, une nécessité

La genèse du concept de décroissance n'a pas d'autre cause : un bien sans liens est un bien de rien. L'écosophie est cette sagesse de l'économie et de l'écologie enfin réunies qui permet, de nouveau, la recherche d'une éthique sociale et d'une vertu citoyenne. Puissions-nous avoir le temps d'en faire et l'essai et l'expérience.


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