dimanche 6 avril 2014

Pierre Rhabi et la décroissance.

 Photo le Midi Libre

Pierre Rhabi est un philosophe mais il n'est pas un doctrinaire. C'est un praticien. Depuis sa ferme de Monchamp, il incarne ce qu'il pense dans et sur un territoire rocailleux depuis bientôt cinquante ans. L'agroécologie qu'il préconise, il la met en action. Il est radicalement « non-capitaliste ». L'avidité et l'insatiabilité lui semblent des travers dont souffre l'humanité tout entière. « Toujours plus ne génère pas de la joie » dit-il.

La décroissance dont parle Rhabi n'a rien de subversif, c'est une lucidité. La planète est limitée et le « système duel » (repus/affamés) est une guerre économique qui ne peut déboucher que sur la guerre tout court. Ce qui est subversif, ce n'est pas l'intention des écoagriculteurs, c'est la réalité qui, peu à peu, lentement, irréversiblement, bouleverse les affirmations péremptoires des maîtres du pouvoir, un pouvoir qui ne mord plus sur le quotidien des peuples.

On a toujours présenté la révolution comme une contestation violente et comme un renversement des gouvernements par la force. Pierre Rhabi ne se situe pas parmi les tenants de cette révolution-là qui connaît soit l'échec de ses moyens, soit, pire, l'échec de ses objectifs quand celui qui renverse les tyrans devient un tyran. « La colère ne doit pas blesser les autres » affirme encore Pierre Rhabi. La prise de conscience de notre inconscience est seule à même de retourner la logique qui nous détruit.

La conquête est illusoire. Se penser humain n'est pas s'investir dans un territoire à dominer, à occuper et à défendre. La concentration des avoirs entre les mains de 1300 milliardaires engendre le malheur. Comme depuis des siècles et des siècles, l'injustice produit des conflits meurtriers, de plus en plus meurtriers. C'est pourquoi l'écologie mise en œuvre tout de suite, sans attendre l'autorisation de quiconque est la seule voie de changement ouverte.

Au primat absolu de l'économie, Pierre Rhabi oppose le réalisme de la bio-économie et se réfère à Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994) qui n'a cessé d'annoncer que la croissance indéfinie et sans contenu ne conduisait qu'à des excès temporaires, ravageurs à échelle historique. Cette évidence que de nombreux penseurs ont décrite dans de multiples livres est rejetée par la plupart des politiques comme un rejet du progrès humain.

Les techniques n'ont pas d'autonomie de développement. Elles sont voulues et déployées par des cerveaux humains. Les technologies mises au service du vivre ensemble sur une même terre peuvent s'avérer positives ou pas. Pierre Rhabi propose « une posture », un art de vivre, une vigilance éthique (« on peut faire manger bio et exploiter son prochain » dit-il). Son approche du monde sans compétitivité mais avec créativité est sans agressivité mais exige une coopération permanente à laquelle nous ne sommes pas éduqués.

C'est une manière de révolution culturelle non violente à laquelle nous sommes invités par tous les « colibris » du monde, à l'instar de ces oiseaux si nombreux, si petits, si actifs, si présents et si efficaces. Plus encore que la lutte des classes qui oppose victimes et exploiteurs, le recours immédiat à des moyens adaptés aux fins auxquelles aspirent les humains peut inverser la logique mortelle à laquelle nous souscrivons à regret mais par résignation.

Pierre Rhabi est un utopiste concret.

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