mardi 30 novembre 2010

Nous avons besoin de frontières perméables

Régis Debray expose que les frontières nous sont aussi indispensables que le sac de peau où loge notre corps, un sac poreux...



Je veux bien le suivre s'il s'agit de constater que chacun a besoin, ne fut-ce que pour dormir et s'asseoir, d'un espace de vie dont nul ne puisse vous interdire l'accès ! Il est donc, autour de chaque vivant, une zone où le respect s'impose. C'est vrai pour chaque personne. Est-ce vrai pour chaque peuple ?

Une frontière opaque se nomme un mur. Au Mexique, en Palestine, et ailleurs encore, on rend la frontière imperméable et qui la transperce peut en mourir. Ce qui ne peut être franchi, même avec l'accord d'autrui, de l'étranger, est la marque de la dictature.

Le propos de Régis Debray est paradoxal et provocateur car il vise non à sacraliser les frontières mais à y ouvrir des portes. L'hospitalité suppose l'accueil et donc l'ouverture du lieu où l'on reçoit celui qui ne sait où aller. Autrement dit, les frontières sont des limites de protection au sein desquelles le protégé est autant celui qui se présente à la frontière que celui qui vit à l'intérieur de cette frontière.

Les citoyens du monde, qui luttent pour que cesse la dictature des États, peuvent-ils se retrouver dans cette nouvelle visite du concept de frontière ? Je le pense, mais à certaines conditions. Ce qui, dans les frontières était insupportable, c'est qu'elles interdisaient d'entrer dans un monde clos à moins d'obtenir le visa, le sauf conduit, dont les dirigeants du pays étaient seuls à pouvoir formuler l'autorisation. Traverser une frontière sans avoir besoin de montrer patte blanche est, au contraire, le signe que nous vivons dans un même monde. Par exemple, si la Belgique commence ici, nul ne m'interdira à moi, l'Espagnol ou l'Italien, de rouler vers Bruxelles.

Le territoire d'une ville ne se confond pas avec le territoire d'une autre, mais aucun péage, aucune taxe ne sont exigés à l'entrée de Paris, Grenoble, Milan ou Rome... Dans les communes plus petites peuvent exister des "patriotismes de quartier" mais nul ne saurait être personna non grata dans ces quartiers, sauf à commettre un délit.

La frontière est une balise, un repère, ce n'est plus cette séparation qu'imposent et surveillent des douaniers ou des policiers. La guerre est le produit de deux erreurs majeures et inverses : le repli sur des frontières qu'on veut défendre les armes à la main ou la négation des frontières cernant l'espace où des voisins ont construit leurs cités et plus encore leurs modes de vie. La fermeture et la conquête, le nationalisme et la domination, rendent la paix fragile puis intenable.

La propriété du sol, impartageable, comme l'appropriation du sol, par la force, débouchent sur la même tragique conséquence : l'élimination de ceux qui n'ont pas, ou qui n'ont plus, de terre à travailler, à parcourir, à visiter. Une frontière qui se ferme est une frontière qu'on peut contester. Une frontière qui s'affiche est une frontière qui annonce la diversité humaine et le plaisir de la découvrir.

Les États ne sont pas des nations. Les nations sont beaucoup plus nombreuses que les États. Les frontières étatiques ne suppriment pas les frontières culturelles. Les ethnies ne sont pas des races mais des nations sans État ; elles sont la richesse du monde. Elles méritent le respect ; elles invitent à la découverte ; elles sont plus profondément enracinées que les États qui leur sont le plus souvent postérieurs.

Nier les frontières, c'est donc, tout à la fois du totalitarisme et une nécessité ! Car il y a frontières et frontières. L'unicité du monde, le mondialisme, ou la mondialisation d'une planète sans frontières, mènent à la dictature généralisée. L'universalité, au contraire est l'acceptation de la pluralité qui a des frontières, physiques ou pas, qui ne juxtaposent pas les territoires mais les mettent en communication. De l'interpénétration des cultures, de leurs confrontations sans haine peuvent jaillir de nouvelles cultures, de nouvelles langues, de nouvelles histoires alors qu'aujourd'hui c'est la compression des peuples qui fait disparaitre leur diversités et leurs apports à l'humanité.


Dérisoires barbelés qui tombent avant d'avoir rouillé...

mercredi 24 novembre 2010

L'inépuisable source de la violence : le désespoir

Les médias informent et nourrissent un sentiment d'impuissance qui fait monter, en chacun, une haine dangereuse.



Que nous dit-on, aujourd'hui même ?

Que nombreuses sont les femmes qui meurent sous les coups de leur compagnon. En France, par exemple, on sait qu'une femme sur dix est frappée par son époux ou son concubin. Danger au quotidien !

Qu'un président de la République, maître de la dissuasion nucléaire, peut "péter les plombs" au point d'invectiver des journalistes en les comparant à des pédophiles ! Le chef de l'État est devenu un danger pour la France.

Que des "retro-commissions", non payées, ont pu, à Karachi, entrainer la mort d'innocentes victimes d'un trafic détourné. Les responsables se sont mis à l'abri... Le danger est au cœur des ventes d'armes tout à fait "légales" !

Que le meilleur concurrent de Nicolas Sarkozy, pour l'élection présidentielle de 2012, serait un socialiste qui ne l'est pas, un machiste déjà âgé, un "professionnel de la politique", un soutien de la politique dangereuse de l'État d'Israël. DSK est un danger pour "la gauche".

Que, depuis 60 ans, les deux Corée ne connaissent qu'un armistice et qu'il est possible que la guerre, qui fit des millions de morts, reprenne. Une île sud coréenne a été bombardée : deux morts et de nombreuses destructions. Un danger asiatique qui ne s'éteint jamais...

Que malheur après malheur, en Haïti, de séisme en ouragan, de misère sans nom en choléra, on en arrive à des violences électorales affreuses. Qui fournit les armes ? Qui les achète et les paie? Danger pour les plus meurtris des hommes !

L'Irlande souffre : pour renflouer les banques, il faudrait écraser les Irlandais sous un plan d'austérité que les plus pauvres seront les premiers à payer. Après la Grèce, l'Espagne, le Portugal et (on l'oublie trop!), la Hongrie, la Roumanie..., et peut-être, bientôt, l'Italie, la France... Danger pour l'Europe tout entière.

Une manifestation symbolique contre la réforme des retraites hier. En même temps l'entreprise Renault facilite le départ à 58 ans des employés inemployés. Même le MEDEF relève la contradiction avec la loi toute récente reportant l'âge du départ en retraite à 62 ans. La colère et la peur couvent devant tant de cynisme. Nous ne sommes pas sortis de la fin des conflits sociaux : danger social permanent !

Et j'en oublie. Et cela ne concerne que les événements du jour...


Miguel de Cervantes ! Au secours !

Quand l'on ne peut que constater l'effondrement des raisons d'espérer, on entre dans l'ère de tous les dangers, de toutes les violences.

Nous avons, au moins, la chance de voir disparaitre les illusions. Nous sommes nus face à la cruauté de notre temps, mais de plus en plus lucides. Notre tâche citoyenne consiste, désormais, non plus à prendre un rôle, une place dans des dispositifs politiques, religieux, associatifs tout faits. Il faut "faire le pas de côté", s'installer "ailleurs" et oser ce qui fera sourire ou ricaner : la non-violence car nulle sécurité ne repose visiblement sur la force.

La guerre faite par la plus grande des démocraties en Iran, en Afghanistan, risque de blesser à mort la démocratie elle-même : aucune excuse à l'emploi de sous-munitions contre les enfants des Talibans. Les États-majors, tous les États-majors, sont peuplés de professionnels de l'assassinat de masse.

Le recours au taser, à la vidéo surveillance, aux écoutes téléphoniques, aux polices suréquipées, à la propagande sécuritaire n'empêcheront pas les révoltes des misérables.

Utopie ou pas, il n'y a plus le choix, sauf à devoir accepter le conflit généralisé qui, comme les précédentes guerres "mondiales" en engendreront une suivante. La paix ne peut s'appuyer sur la violence. Tout le monde le sait mais il est "irréaliste" de l'affirmer. Et puisqu'on ne sait faire autrement, on continue à installer, tous azimuts, des rapports de force qui nous tuent à petit feu ou dans des crises suraiguës !

Et si l'on essayait l'amour ? Pas celui qu'on nous susurre. Pas la charité gnan-gnan, pas celui de la presse du cœur, pas la simple solidarité : le difficile partage de tout entre tous. Folie ? Évidemment ! Très vieille folie même ! Soyons les bouffons de ce monde plus fou encore, où la vie ne vaut que si l'on rompt avec les fausses évidences.


http://s2.noelshack.com/old/up/ils_se_brlent2-bd70d72a24.jpg
Mais, éteins-le, ce feu qui consume les désespérés !

mardi 23 novembre 2010

Il y a nation et nation

Bienvenue à Patrick Chamoiseau qui bouscule un peu les concepts, ce dont nous avons besoin si nous voulons ne pas lâcher la proie pour l'ombre, c'est-à-dire troquer un"État-nation" pour une nation nationaliste.


«... En salut aux nations naturelles et aux peuples sans État.»

1 - Beaucoup de souverainetés existant par le monde, parfois inscrites à l'ONU, sont composites, c'est-à-dire tissées de plusieurs États, peuples ou nations (Nigeria, Espagne, Saint Kitts-et-Nevis, Chine, Micronésie, USA, Suisse, Inde, etc...)

2 - Le peuple : entité historique, culturelle et identitaire. La nation : perception collective d'un destin commun dont l'intensité peut atteindre ou pas l'exigence d'un État. L'État : appareillage politique de tout cela.

3 - Celui qui parvient à doter une nation naturelle d'un outillage politique en devient le « père ». Celui qui l'a dotée d'une haute conscience d'elle-même en est le « catalyseur ». D'une manière générale, le « catalyseur » rend possible l'avènement du « père de la nation ».

4 - Ce qui relie, rallie, relate, États peuples nations, quelle que soit leur complexité constitutive ou découlant de l'Histoire, c'est souvent une idée, une éthique référentielle. Cela peut aussi être une intention autour d'un projet global ; une stratégie d'ensemble liée à une vision du monde ; un pacte républicain ou autre qui autorise le respect des différences et surtout leur expression positive. En clair : une Politique et son appareillage.

5 - Par l'appareillage politique, la nation naturelle concrétise son optimal degré de souveraineté.

6 - La forme la plus historiquement répandue, sans doute maintenant obsolète, en tout cas à problèmatiser, de l'appareillage politique est celle de l'État.

7 - La nation naturelle naît à elle-même par le Politique. La nation politique est une nation naturelle dotée d'une intention et des moyens d'agir dans le concert du monde.

8 - Mieux que l'idée d'indépendance, l'idée de souveraineté est la seule qui puisse mettre fin à toute forme de colonisation. On peut être indépendant et ne pas être souverain. La Françafrique est la gestion néocolonialiste d'un lot d'indépendances. Durant l'esclavage, beaucoup de nègres marrons n'étaient pas « libres » : peu souverains en leur imaginaire malgré les chaînes rompues.

9 - Je me dis « indépendantiste » (toujours pour aller vite) non pas parce que je me range aux conceptions nationalistes des années 50 - supposant un espace international d'entités étatiques égocentriques, concurrentes et antagonistes - mais simplement parce que je ne renonce pas à l'idée d'une souveraineté martiniquaise inscrite tel un écosystème dans l'écosystème-monde.

10 - Une souveraineté peut recouvrir plusieurs espaces de souveraineté, plusieurs États, plusieurs peuples, plusieurs nations, car toute souveraineté exprime une volonté commune, une intention partagée, un pacte défini pour mettre en branle une entité collective vivante. Or tout ce qui est vivant se trouve par nature en diversité, en différences et en changements. Dans l'actuelle globalisation du monde qui redistribue la gamme des peuples, des cultures et des identités, une République « une et indivisible » est un archaïsme désormais improductif. C'est ce vieil imaginaire de l'Un comme seul vecteur du vivre-ensemble qui rend indépassable l'abîme israélo-palestinien. C'est lui qui pétrifie chez nous, en Martinique, l'idée d'indépendance, et qui nous garde irresponsables en république française.

11 - La souveraineté met fin à toute forme de colonisation en dotant une entité collective d'un outil politique d'abord capable de s'auto- organiser, puis de maîtriser et de choisir les interdépendances qui lui sont nécessaires (ses relations extérieures, ses adhésions, ses alliances historiques, ses associations, ses choix économiques, son réseau écologique international, sa coopération régionale, son maillage de luttes dans les combats mondiaux, etc...)

12 - Les souverainetés peuvent établir entre elles toutes formes d'alliances et d'associations, et s'articuler sur des formes de convergences infiniment complexes, bien au-delà des fédérations ou confédérations. En la matière, la capacité inventive seule confronte désormais les limites.

13 - L'idée de souveraineté, articulée en différents niveaux et différents espaces, est adaptée à l'écosystème interdépendant du monde contemporain. Là où l'assistanat-dépendance accule les pays dits DOM-TOM à une rupture avec l'écosystème du monde, le processus de souveraineté optimale pourrait les réinstaller par la responsabilité dans leurs propres réalités, dans celles de leur région et dans celles du monde. S'opèrerait ainsi l'affirmation positive et sereine d'une volonté commune et d'une intention s'articulant en pleine conscience à d'autres volontés et d'autres intentions. Par « volonté » et « intention » j'entends : une autorité intérieure, individuelle et collective. Par « processus de souveraineté optimale » j'entends : la récupération de tous les espaces de souveraineté qu'autorisent le niveau de conscience collective et le rapport de forces politiques en présence.

14 - Toute accession à l'autorité intérieure, nous délivre des enfermements idéologiques, du verrou des mots d'ordre, et des vieilles conceptions de l'État-nation. Toute autorité intérieure est génésique en ces matières : elle crée des formes toujours nouvelles et toujours dynamiques, en relation avec le monde.

15 - Ce qui, pour les nations naturelles et les peuples aujourd'hui sans État, rend tout projet politique difficile, c'est qu'il doit exprimer la vision complexe de ce que pourrait être une nation-relation ou une méta-nation. C'est à dire : une présence collective inédite, dynamique, agissante et féconde dans la complexe fécondité et fluidité du monde.

En Martinique, à l'orée de cette collectivité unique que nous devons penser - dont l'opportunité constitue pour nous tout autant une chance qu'un abîme potentiel - nous avons tout à inventer. La simple fusion des deux collectivités précédentes (Conseils régional et général) qui n'ont montré que leurs limites, constituerait une indigence, une perte de temps, et pire : un renoncement.

________

Mort mais pas fin du Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire : Besson a passé la main à Hortefeux, et tout se passera désormais "à l'Intérieur" ! Pas rassurant...

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiIk3aVkWP3Mq_y3kvMA55CvAY0qCdqzpLD3rrl6_KB-mNrfVvDWFgi9Zwh1alPx8walEQNGpVhkzYQ5NCyjPPjK1TLjT-5X-MO5w-s48cBBwy43dN_z54qsYaggGht6msWOxrmHYyvLNg/s1600/Patrick+Chamoiseau+tract+po%C3%A9tique.jpg

samedi 6 novembre 2010

Dérision


La loi a été votée.
Deux filles l'ont déjà détournée.

" Nous avons toutes les deux une petite vingtaine d'années, et bien que l'une de nous soit musulmane, nous ne nous sentons pas directement concernées par le vote de la loi anti-burqa, (bien que "niqab" soit plus approprié).

Nous avons néanmoins senti le besoin de nous exprimer sur le sujet. Nous n'avons certes pas monté d'association, ni manifesté notre réticence à cette loi en défilant dans les rues, mais plutôt fait le choix de détourner la représentation classique que l'on a du niqab.

Mettre une simple burqa aurait été trop simple. Alors on s'est posé la question : comment réagiraient les autorités face à des femmes portant une burqa ET un minishort ?

On ne cherchait pas à attaquer ou à dégrader l'image des intégristes musulmans. Mais plutôt à interpeller les élus de la République qui sont allés au bout du vote de cette loi que l'on estime être largement anticonstitutionnelle¦

Malheureusement, notre promenade dans le quartier des ministères ne nous a fait croiser aucune superstar de la politique nationale, mais on a bien rigolé.

Les citoyens, eux, ont l'air d'apprécier le look ; les policiers sont mi-génés, mi-enthousiastes ; les pompiers nous klaxonnent. Finalement tout irait bien si le gouvernement s'imprégnait de l'état d'esprit de la rue ! "

Une femme voilée et son mari (MYKAIA)










vendredi 5 novembre 2010

Mitterrand, la peine de mort et la politique moderne


On reste quelque chose de celui qu'on était à 20 ans
J'avoue.
J'étais dans la contradiction.
J'étais aussi dans l'ignorance...
Dans les années 1970, je n'avais pas de sympathie pour le Mitterrand garde des Sceaux, durant le début de la guerre d'Algérie, en 1956.
En 1956, j'avais 20 ans...
Je militais pour l'indépendance de l'Algérie.
Je vendais des livres contre la torture et l'assassinat politique : Alleg, Audin...
Je ne savais pas, alors, que Mitterrand avait de lourdes responsabilités dans l'exécution, sous la guillotine, de 45 Algériens, notamment dans le cadre de la prison Barberousse, à Alger !
Ma honte, c'est que je ne le savais pas davantage quand je l'ai soutenu, comme tant de Français qui voulaient en finir avec la permanente domination de la droite française.
Les attitudes de Pierre Mendès-France et d'Alain Savary, seules, étaient dignes, quand ils démissionnèrent du gouvernement Mollet, en pleine connaissance des crimes d'État perpétrés par le pouvoir d'alors. Ils l'ont payé de leur sortie définitive de la sphère des responsabilités publiques ! L'histoire, avec grand retard, comme toujours, leur donnera raison.

Ce qui m'étonne et me trouble profondément, c'est qu'il ait fallu attendre 2010 pour révéler à l'opinion que celui qui a aboli la peine de mort en 1981 est celui qui l'a approuvée et pratiquée dans le cadre d'une politique coloniale épouvantable.
Que Badinter avoue, aujourd'hui, que tout n'a pas été dit avec Mitterrand, dans leurs conversations privées, sur le sujet, fait peur. En réalité, y compris le courage et la clarté des propos de celui qui allait succéder à Giscard d'Estaing, lequel avait envoyé à l'échafaud un possible innocent, faisaient sans doute partie d'un choix politique plus que d'une conviction.

Et voilà où la question des questions surgit : au pouvoir, on ne décide pas selon ce qu'on croit juste, mais selon ce qu'on croit nécessaire de faire même si c'est injuste, meurtrier et condamné à être rejeté par l'histoire.
En 1981, Mitterrand avait politiquement besoin d'être lavé de ses crimes de 1956.
Quant à nous, alors petits larbins du parti socialiste, nous avons lâchement fermé les yeux et oublié notre curiosité vigilante, en frétillant à l'approche d'une conquête de pouvoirs restés inconnus depuis 1936 et, pour peu de temps, à la sortie de la guerre, en 1945.

Eh bien, si la politique n'était que cela, nous avions de quoi le savoir ! Les échecs, les trahisons, les compromis compromettants, les renoncements, les abandons qui ont suivi ne sont pas seulement ceux de Mitterrand : ce sont les nôtres.

Le réalisme politique est une lâcheté. Il mène à la plus haute violence. Ceux qui se vautrent dans les grands et petits pouvoirs se trahissent eux-mêmes et gâchent leur vie.

Il en est qui désertent le combat politique par claire conscience de l'impossibilité d'agir pour le bien de tous quand on accède au sommet de l'État ou à la plupart des fonctions exécutives. Certains replis religieux, au reste mensongers, qui correspondent à la généralisation des méthodes d'éminences grises, au lobbying dirait-on aujourd'hui, ne sont pas moins lâches car ils correspondent à du "poncepilatisme" : on influence mais on ne se salit pas les mains.

J'ai pensé et pense encore que la peine de mort est le révélateur de la sortie totale du système démocratique, plus largement de l'action citoyenne responsable au XXIe siècle. La mort donnée est la résignation à l'échec de la civilisation. Et là se trouvent convoqués tous les chercheurs en politique, tous les acteurs de la vie publique : pour être efficace, c'est à dire pour "changer la vie", comme nous le pensions en 1972, faut-il "prendre le pouvoir" ou... "vous le rendre" comme l'écrivait imprudemment ou cyniquement François Mitterrand ?

S'il faut tuer pour diriger, - les bons politiques ne sont-ils pas des "tueurs", d'habiles manipulateurs d'opinions sachant éliminer leurs adversaires ? -, alors, il y a rupture, une rupture philosophique absolue. Dans une société mondialisée dont chaque humain est un condamné à mort, l'espérance consiste à tenter de renoncer à cette loi de la jungle faite pour les loups. Nous sommes des hommes. La politique qui n'est pas politique, c'est-à-dire qui ne vise plus le bien commun, mais la puissance et la gloire, monarchique en droit ou en fait, ne saurait intéresser que ceux dont les ambitions sont hautes mais étroites, celles de la domination préférée au service.

Entre la naïveté du citoyen et le réalisme de son représentant, il y a , souvent un abîme, celui où sombrent les espoirs à courte vue. Le temps que l'on vit, il faut risquer davantage : refuser l'inhumanité construite pas l'homme. Si l'on échoue, c'est moins grave que d'être infidèle à ses propres raisons d'être.


Mitterrand est le reflet de notre propre image : il a trahi !

mardi 2 novembre 2010

Pas de politique sans écologie, ni d'écologie sans philosophie

Philosophie et écologie sont désormais unies. Non pas seulement parce que Félix Guattari les a rapprochées dans l'écosophie, mais parce que des livres, sortis en 2010, mettent au premier plan des problématiques nouvelles, qui vont transformer les politiques planétaires. Ainsi en est-il, notamment, du Monde émergent, mais aussi, plus modestement, plus en direction du grand public, Philosophie et écologie d'Anne Dalsuet. Il est urgent que de tels ouvrages soient connus, lus, critiqués, utilisés et débattus.

Ci-dessous, un article de Roger-Pol Droit publié dans “Le Monde” du 7 juillet dernier. Sous le titre "Pour une philosophie de l’écologie", cet article présente les trois tomes du livre “Le Monde émergent”, dont le 1er exemplaire vient de paraître au éditions Armand Colin, sous la Direction de Yves-Charles Zarka.

Nous sommes en train de changer de monde. Sans l’avoir voulu, sans le comprendre encore clairement. Sans le penser encore à la hauteur qu’il convient. Telles sont les convictions de départ qui ont donné naissance à un vaste programme de recherche du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), en collaboration avec l’Université Paris-Descartes (Sorbonne). L’objectif est pour le moins ambitieux : dresser un premier état des lieux de toutes les dimensions de la crise écologique, dont la planète commence à prendre conscience. Il ne s’agit pas seulement, on s’en doute, du réchauffement climatique, mais aussi de la fin des ressources énergétiques, des modifications de la biodiversité, de l’interdépendance entre les activités humaines et les équilibres du globe. Sans oublier les multiples mutations de nos comportements, de nos gestes quotidiens aussi bien que de nos horizons politiques.

Des problématiques philosophiques nouvelles

Ce "monde émergent" soulève donc quantité de questions économiques, sociales, politiques, que des problématiques philosophiques nouvelles doivent aborder.
Il ne faudra pas moins de trois volumes pour embrasser les lignes de force et les perspectives de ces changements en cours.
Maître d’œuvre de cet ensemble original, le philosophe Yves Charles Zarka, qui dirige notamment la revue "Cités", réunit dans ce premier tome onze contributions d’économistes, géographes, sociologues, juristes et philosophes.
Ces études portent sur les problèmes cruciaux qui se posent à présent dans l’espace social et politique. L’urgence écologique et le politique, les nouveaux territoires urbains, les cycles de vie des produits, la diversité des cultures et l’universalité de l’environnement, l’Europe et le développement durable figurent parmi les thèmes retenus.

Quelle démocratie ?

Si la diversité des analyses et des objets d’études interdit tout résumé laconique de l’ensemble, il saute aux yeux que ce livre devrait devenir une référence importante pour ceux que préoccupent le renouvellement de la réflexion qu’exige le basculement du monde. Car l’intérêt de ce vaste projet, on l’aura compris, n’est pas de proposer une prospective de plus, mais bien de contribuer à poser les questions de fond.
C’est pourquoi il s’intéresse notamment à l’impact politique des changements d’attitude envers la consommation et la production, et demande, par exemple, comment le passage à une société différente est possible sans détruire la démocratie.

Réflexion interdisciplinaire

Après ce 1er volume consacré au "Lieux" doivent paraître, dans les mois à venir, un volume sur les "Défis" et un troisième intitulé "Dénouement".
Outre cette trilogie collective, la collection Émergences, que ce volume inaugure, doit également accueillir un "Manifeste sur l’urgence du temps présent", d’Yves Charles Zarka, et un livre du philosophe Robert Damien, sur "l’État d’urgence environnementale".
L’écologie a connu le temps des militants, celui des pensées radicales comme celui des climato-sceptiques. Voici que commence peut-être, avec cette série de projets, le temps de la réflexion interdisciplinaire, philosophie et politique. Et celui des débats. Car rien ne devrait être moins dogmatique que ce monde à venir. C’est en tout cas ce qu’il faut espérer. C’est pourquoi, les prochains développements seront à suivre de près.

Roger-Pol Droit

Voir les sources :

http://www.temoignages.re/pour-une-philosophie-de-l-ecologie,44505.html

http://mneaquitaine.wordpress.com/2010/07/02/%C2%AB-philosophie-et-ecologie-%C2%BB-ouvrage-de-anne-dalsuet-chez-gallimard/


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