lundi 28 juin 2010

Impermanence et tempérance

"Sans transformation que peut-il se produire? Peux-tu prendre un bain chaud, si le bois ne subit aucune transformation? Peux-tu te nourrir, si les aliments ne subissent aucune transformation? Ne vois-tu donc pas que ta propre transformation est un fait pareillement nécessaire à la nature universelle? "Ainsi s'expriment les tenants de l'impermanence, autrement dit ceux qui pensent que la seule certitude fixe est que tout bouge. Ce qui est permanent, c'est l'impermanence. Cela conduit loin.

La tempérance s'appuie sur cette modestie. Le véritable réalisme, c'est l'acceptation de la mutation permanente qui s'opère en nous et autour de nous. Tempérance ne fait pas que rimer avec tolérance. La tolérance est une écoute; ce n'est pas l'acceptation indifférenciée de toute proposition. Ce qui est tempéré n'est pas tiède mais relatif. Accepter la relativité n'est pas rejeter la radicalité. L'outrance tue la radicalité, la désamorce, la ruine. Pour les Grecs (Platon et Aristote notamment), la tempérance (ou modération, autre terme pour traduire le grec sophrosune) est une vertu essentielle, qui vise à contrer un vice qui hantait les Grecs : la démesure (ou hubris).

La Tempérance, représentation du gisant de François II de Bretagne

La recherche de l'équilibre en lequel on se tient pour ne pas chuter oblige à la marche. Il en est ainsi de l'homme debout qui se déplace. Il en est ainsi, également, de la pensée qui cherche le chemin et non l'arrivée. La difficulté que rencontre la politique, c'est la quête d'une stabilité, d'un ordre, d'un statut, d'une loi lesquels seront sous peu -quelques décennies au plus - obsolètes. Si l'alternative politique signifiait remplacement d'une certitude par une nouvelle, ce serait, à tout coup, l'entrée dans une impasse.

Dans l'une de ses pièces de théatre, Jean-Paul Sartre, décrit comment le révolutionnaire chasse le tyran avant de le remplacer au pouvoir et devenir... tyran. Il démontre comment L'engrenage broie y compris la pensée juste, pour conduire vers l'inverse celui qui confond la fin et les moyens et s'imagine que l'accès aux moyens permet de réaliser ses objectifs !

La spirale engloutit ou élève...

L'anarchie si elle devait devenir compatible avec la tempérance et l'impermanence permettrait d'en finir avec cet enfermement dans les logiques d'alternance ou d'alternative, quand elles ne sont que changements de personnels. La tâche serait insurmontable si l'on ne savait que l'impermanence est en marche et que la tempérance s'exerce dans des actes.

Il n'y a pas lieu de craindre l'avenir parce que le choix n'est plus entre ce dont on est lassé et ce qu'on a prédéfini, au moyen d'un programme ou d'un projet. L'homme ou la femme politique s'éloigne de la politique politicienne quand il cesse de raisonner en termes de prise de pouvoir et, (comme le disait François Mitterrand, sans l'avoir jamais voulu, ni rendu possible) pour s'exprimer en termes de remises de pouvoirs.

Le renouvellement de la démocratie passe par cette éthique de la responsabilité qui interdit, à jamais, tout pouvoir personnel. Utopie, naïveté, crédulité, candeur ? Mieux valent les ingénuités qui autorisent l'espoir plutôt que les fausses certitudes qui enferment dans des permanences, des conservatismes, des démesures, des avidités dont souffre l'immense majorité des hommes



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