vendredi 4 mars 2011

Afreurope ou Eurafrique ?

Autour de mare nostrum on avance que se reconstruit le berceau de la civilisation, à savoir, le centre du monde avec, comme fondement, les trois religions du Livre : chrétienne, musulmane et juive. Il faut bien se rassurer...




Cette lecture du "printemps arabe" est tournée vers le passé. Les peuples qui s'ébranlent ne sont pas dominés par cette conception spatio-temporelle qui réinstalle une unité entre des continents ou des parties de continents. Il y a comme un retour du colonialisme dans cette vision rassurante qui permet d'échapper à cette question lancinante : ces pays en expansion, intellectuelle et politique, ne vont-ils pas nous "envahir" ?

Rien n'effraie plus un occidental que de voir un peuple hier dominé par des Européens, puis soumis par des dictatures auxquelles les Européens ont prêté la main, envisager de se passer de nous et de prendre pied librement sur le "vieux continent" comme l'ont fait les peuples colonisateurs et leurs successeurs néocoloniaux de la Françafrique, par exemple.



Nous allons donc "aider" les nouvelles démocraties à s'installer parce-que-c'est-notre-intérêt ! Plusieurs réunions vont se tenir au niveau de l'Union européenne avec comme objectif de payer pour ne pas voir. Sinistre poker ! On veut bien faire des efforts pour se faire pardonner d'avoir soutenu, pendant des décennies, les Ben Ali, Moubarak et autre Khadafi, mais on veut absolument interdire, ou rendre impossible, des afflux de population qui tenteraient de venir s'enrichir de l'apport européen.

J'entends, sur les radios, reparler d'Eurafrique. Le concept est ambigu. Il ne respecte même pas l'ordre alphabétique qui conduirait à parler plutôt d'Afreurope si l'on plaçait les deux continents à égalité. Il est vrai que ce nouveau vocable serait auditivement... affreux. En réalité, l'Union de la Méditerranée, cette invention sarkoziste mort-née, avait, comme vice à peine caché, de chercher une domination politique nouvelle de pays du Nord du Lac méditerranéen sur ceux du Sud. Cette éventualité disparait en même temps. La fierté affirmée des peuples du Maghreb et du Machrek bouleverse les équilibres sociaux, économiques et politiques du pourtour méditerranéen. Il est vain de croire que les pays du sud de l'Europe échapperont à l'influence de ce séisme idéologique et politique survenu dans le nord de l'Afrique.



Rien ne permet mieux de s'en rendre compte que ce débat sur l'islam et la laïcité qu'on s'acharne à vouloir organiser. Il y sera question d'un islam qu'on méconnait et surtout qui, n'étant pas figé, ne peut plus être confondu avec l'islamisme, cette doctrine rétrograde qui s'est développée à partir d'un État avec lequel on continue d'entretenir des relations privilégiées : l'Arabie saoudite ! Les musulmans français, que cet islam rigide inspire encore -minoritaires !-, ont été coupés de leur pays d'origine et il y a, comme chez tous les enfants d'immigrés, de la nostalgie, du mythe dans leurs comportements. Que la religion ait tenue si peu de place dans les revendications des manifestants tunisiens et égyptiens est révélateur d'une évolution encore une fois mal appréciée de la part des personnalités politiques françaises.

Mieux vaudrait engager dialogue avec les "réinventeurs" de la démocratie sans donner la moindre leçon. Car s'il est un enseignement à retirer des événements historiques qui modifient notre conception du monde, comme ce fut le cas en 1789 et en 1989, c'est que la révolution n'est pas dans les urnes mais dans la rue, sur l'agora, la place publique. Non pour remplacer les urnes par la rue, mais pour que les urnes parlent et ne rabâchent pas ! Une élection, un vote, qui suivent un débat, la manifestation populaire d'une volonté commune trouvent leur plein sens. Mais réduire la démocratie à cet épisode final la défigure, la dessèche, la prive de sa dynamique vitale. L'Europe connaît cette période de formalisme pseudo-démocratique. La République n'est plus la res publica. Le "réalisme" gestionnaire a failli tuer l'élan révolutionnaire qui, s'il se manifeste rarement, produit des effets profonds et durables pour peu qu'il s'agisse, précisément, de cet élan démocratique éloigné de tous les populismes et de toutes les récupérations.

Oui, il est bon que l'Afrique ait beaucoup à apprendre à l'Europe. Oui, il est heureux que ce que nous pensions inimaginable, impensable, irréaliste, se soit produit et nous redonne espoir que l'homme puise peser sur son destin.


25 mars 1957 : Le traité de Rome est voté. Plus de 50 ans après, la porte reste de l'Europe reste fermée.

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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux

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