mardi 20 mars 2012

Les quatre erreurs de Charles de Gaulle

Cinquante ans après les accords d'Évian, je m'étonne de de l'impossibilité de contester encore la politique mise en œuvre par Charles de Gaulle, à partir de 1958 !

La guerre d'Algérie, de 1954 à 1958, appelée "pacification", (il faudra attendre 1999 pour qu'elle soit appelée par son nom !), dont tout a dépendu par la suite, a enfermé la France, durant quatre ans, dans un enfer politique auquel l'intelligence et l'autorité du héros des années 1940 n'ont pas suffi à nous faire échapper.

"Le recours au Général" a pesé, alors, sur les destinées de la France.

Il a fait quatre erreurs funestes dont la majorité des Français n'ont pas encore tous conscience.



La première fut de flatter l'armée avant de la décevoir ou de la trahir. La fin de la tentative de conciliation avec l'armée, aux comportements coloniaux, afin de sortir la France de la guérilla dont on ne venait pas à bout, a conduit à une contradiction majeure. Entre le "je vous ai compris" lancé de la place du Forum à Alger, le 4 juin 1958,  et le discours télévisé du le 16 septembre 1959, où est lâché le mot tabou d’autodétermination (conduisant au référendum du 8 janvier 1961), il y eut un retournement, sans doute inévitable, mais qui a abouti à dresser les Français d'Algérie contre leur pays. On a flatté le nationalisme et l'on a encouragé les colons avant de s'incliner devant les faits. L'Algérie n'était pas française et  le "Vive l'Algérie française" du 6 juin 1958, à Mostaganem, avait été bien plus qu'une faute politique : une justification a priori de la violence perpétrée contre quiconque n'accepterait pas l'assimilation des Musulmans devenus officiellement des "Français à part entière". L'Algérie n'était pas la France mais de Gaulle, venu au pouvoir, à cause de la guerre d'Algérie, s'est trompé et nous a trompés avant de tomber dans un réalisme brutal dont nombre de harkis et de Français d'Algérie feront les frais...




La seconde fut de profiter du désordre général pour changer de République. De Gaulle, incontesté, rappelé par ceux-là mêmes qui n'avaient su résister aux factieux d'Algérie, a commis alors l'erreur institutionnelle dont la Vème République est porteuse : en reprenant et en mettant en œuvre le contenu de son discours de Bayeux, en 1946, il a fait de la République parlementaire (qui avait fonctionné de 1871 à 1958) une république monocratique, mainte fois modifiée, mais toujours plus centralisée et autoritaire (y compris quand le Chef de l'État était diminué par la maladie ou par son incapacité !). L'abandon du lien direct entre le Président de la République et le peuple qui faisait, de chaque référendum un possible plébiscite et qui conduisit au départ, historique et choisi, de De Gaulle en 1969, a transformé la République monocratique en République oligarchique, ce qui n'est pas mieux... L'invention de la cohabitation a achevé de décrédibiliser les institutions gaulliennes.




La troisième fut  le choix d'une défense nationale fondée sur l'arme atomique. Le 13 janvier 1960, à Reggane, dans le désert saharien d'Algérie (alors encore "française") eut lieu la première explosion nucléaire, en plein air. La décision avait été prise, un mois avant le 13 mai 1958, par Félix Gaillard, président du Conseil, qui avait écarté les Pyrénées, les Alpes et la Corse, au profit du Sahara...! De  Gaulle la confirma et fut présent sur les lieux, à distance de l'explosion. Tout s'ensuivit : le lien entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire était, pour De Gaulle, une nécessité de garantie de l'indépendance énergétique et diplomatique de la France. Aujourd'hui notre dépendance au nucléaire, cette fois, constitue un boulet que nous n'avons pas fini de trainer au pied de la république !



Le quatrième fut de n'avoir rien "compris" aux événements de mai 1968 qui n'ont rien changé au gouvernement de la France mais qui, en profondeur, ont changé la France elle-même grâce à l'apparition d'exigences écologiques jusqu'alors inconnues. De Gaulle n'y résista que de justesse. Parti à Baden-Baden, le 29 mai 1968, allé vérifier le soutien de l'armée auprès du général Massu, "vainqueur" de la bataille d'Alger en 1957, ce fidèle, en dépit de ses critiques de la politique algérienne de De Gaulle, et de son rappel en métropole en 1960. On avait changé d'ère, peut-être de civilisation et De Gaulle, épuisé, submergé, n'a tenu ensuite la barre qu'une seule année. Ne pouvant et ne sachant incarner des valeurs n'appartenant pas à sa culture, il n'a pu tirer parti des apports du printemps 1968 qui ont été, ensuite, méconnus et rejetés sans qu'on puisse pourtant les rejeter totalement.

Aujourd'hui, il faut tirer le bilan de ce quadruple échec
 devenu l'échec de la France tout entière. 

Dans les années qui viennent, nous verrons un rapprochement avec les pays du printemps arabe, francophones, dont l'Algérie finira par faire partie, à la suite du renouvellement de ses dirigeants trop âgés pour se réclamer longtemps encore de la libération et de l'indépendance du pays.

Dans les années qui viennent, nous verrons le passage à la VIème république qui s'effectuera, espérons-le, sans heurts, par modernisation de nos institutions rendues compatibles avec celles des autres États d'Europe. La république actuelle qui n'est plus ni gaullienne ni gaulliste a vécu.

Dans les années qui viennent, nous verrons le recul, puis le renoncement progressif à l'énergie nucléaire. L'indépendance énergétique passera par l'autonomie liée à une transition énergétique provenant de la diversification des sources d'énergies renouvelables. Quant à la dissuasion nucléaire, elle ne résistera pas à la réalisation d'une Europe politique nouvelle qui aura bien d'autres moyens d'assurer sa défense à commencer par sa solidarité économique !

Dans les années qui viennent, nous verrons, enfin, l'apparition d'une démocratie où les citoyens seront davantage gouvernants que gouvernés, grâce aux nouveaux moyens techniques d'information et de communication. Nous verrons, surtout une prise en compte des nécessités écologiques dont les années 1968 n'auront été que l'annonce.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux

Archives du blog

Résistances et romanitude

Résistances et Changements

Recherche Google : rrom OR tsigane