samedi 9 juin 2012

Finance du XXIe siècle : folie ou horreur ?

Chaque vendredi, une émission d'antenne 2, animée par Élise Lucet, propose, en fin de soirée (à 22h.45) : Cash Investigation, autrement dit l'étude d'un sujet très sensible touchant à la manipulation de l'information des consommateurs.

Le 8 juin 2012, il s'est agi de présenter (c'est le titre de l'émission) La finance folle, celle des speed traders. Les traders en chair et en os ne sont plus absolument nécessaires. Avec le High frequency trading, on peut, en utilisant les savoirs de mathématiciens de haut niveau, construire des algorythmes qui permettent, à la nano-seconde près, d'effectuer des opérations boursières massives et qui vont, d'un bout du monde à l'autre, peser sur les marchés de la finance ou sur les pratiques de la finance de marché (à vous de choisir l'expression qui convient...).

Ne croyons pas que ce monde n'est pas le nôtre ! C'est avec l'argent des contribuables que des banques spéculent, dans des conditions qui échappent à presque tous les contrôles.  Il n'existe actuellement aucune réglementation qui puisse maîtriser cette "finance folle". Des machines surpuissantes, hors de contrôle, agissent sur les Bourses en multipliant, à des vitesses débordant les capacités de tout esprit humain, des informations innombrables qui modifient les jugements des décideurs. Il s'agit non seulement d'une folie mais d'une forme très savante de délinquance qu'aucun gendarme ne pourra jamais traquer.

De tels "progrès",  fondés sur la libération de l'intelligence mathématique, qui n'a plus aucun frein éthique, donnent à penser que le développement de la civilisation ne peut plus aller plus avant sans passer par une régression minimale ! La quasi totalité des hommes de ce siècle voient passer un train dans lequel ils ne monteront jamais. Ce train, c'est pourtant celui de leur histoire, de notre histoire. Nous sommes vécus. S'il n'est aucune gare où arrêter ce bolide, où examiner le contenu du train et de sa tractrice, nous ne comprendrons bientôt plus ce qui nous arrive. 

Aucune décision politique, aucune analyse philosophique ne seraient bientôt plus utiles. Les maîtres du monde nous soumettent à un nouveau Big Brother qui n'est même plus l'outil monstrueux que dirigent des hommes, les plus puissants. C'est une machine autonome qui n'a plus besoin des hommes et dont on attend, simplement, qu'en plus de son action de domination absolue des finances internationales, elle soit assez efficace pour distribuer de très riches prébendes à ceux qui la servent.

Le capitalisme est au sommet de sa gloire. Il peut  fonctionner sans capitalistes. Il est devenu le mode d'être et de penser banalisé. Ceux qui le condamnent peuvent lui être asservis sans s'en rendre compte. La finance moderne n'est pas seulement devenue folle (c'est-à-dire hors contrôle) comme le décrit l'émission (courageuse !) qui vient d'être vue par quelques milliers de téléspectateurs, cette finance nous fait atteindre le comble de l'horreur dès lors que tout objectif démocratique est annihilé à cause de la vitesse inhumaine à laquelle se prennent les décisions relatives au financement de l'économie.


Les nanotechnologies, dont on ne veut voir que les apports, démontrent, ici, dans le domaine bancaire, que la civilisation peut échapper à la pensée humaine. Ou, plus exactement, en même même que l'écart entre les revenus se creuse comme un gouffre et n'a plus aucun fond, aucune limite, l'écart entre les connaissances des élites et celles des masses est devenu béant, impossible à combler, en dépit (ou à cause) de la diffusion exponentielle des savoirs par internet. Ce sera bientôt, du reste, le plus grand défi lancé aux formateurs : l'école n'est plus le moyen de comprendre le monde pour pouvoir y vivre ; elle va devoir se transformer pour entrer dans le processus permanent de formation de tous, tout le temps. Nous devrons, sinon, nous en remettre aux "mégamachines" intelligentes, créées pour abêtir la majorité des humains et les transformer en fourmis, ou en termites, dans des sociétés ayant cessé d'avoir un destin qui leur soit propre.

Nous voici en guerre : la guerre des financiers partis, comme aux temps des conquêtes territoriales ou coloniales, à l'assaut des lieux de pouvoir et d'enrichissement. Le malheur est que nous sommes, à notre insu évidemment, déjà plongés dans cette guerre laquelle, parce que productrice de misère, ne peut que nous conduire à de nouvelles guerres, cette fois physiques.


À cela, une seule réponse : développer la libre conscience de ce qui se passe et la transformation de l'action des indignés, de  partielle qu'elle est, en une action plus globale. Tous les concernés ont à dire ceci : non, nous ne voulons pas que l'intelligence humaine, confisquée comme un objet par les riches, servent à exploiter les "99%" des humains qui sont nos semblables. Ce serait, sinon, avant même la disparition de l'espèce humaine (toujours possible par notre propre faute !), la fin des temps historiques, ceux que peuvent vivre des hommes qu'on peut encore appeler hommes.

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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux

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