mercredi 25 juillet 2012

D'usure en usure



Nous aurons traversé le temps de l'usure : celle des faiseurs de dettes et celle de la fin d'un système qui s'étant usé lui-même jusqu'à la corde ne peut que casser.

Un petit livre sans prétention, mince et bon marché, De la dette, Indignons-nous (1), en vente, depuis juin 2012, nous rappelle, sans nuancer, que "l'argent qu'on vous prête n'existe pas", que la croissance est une fuite en avant devenue nécessaire "sinon, il n'y aurait tout simplement plus assez de monnaie en circulation, et enfin que "la dette actuelle du pays, d'environ 1700 milliards d'euros, est à 90% égale au cumul des intérêts en trente-huit ans, de 1793 à 2011".

Autrement dit, les énormes "bulles" qui ont été révélées, depuis 2008, dans l'économie planétaire sont constituées par le vent qu'on vend. Si les banques prêtent de l'argent qu'elles n'ont pas, elles n'en recueillent pas moins des intérêts forts concrets. À ce jeu pervers, qui eut conduit, au Moyen-Âge, les profiteurs-usuriers au bûcher, les États sont perdants dès lors qu'ils sont contraints de passer par les banques privées pour se financer !

Les acteurs de la vie politiques, c'est-à-dire, les politiciens professionnels mais aussi tous les citoyens, sont, en cette affaire, soit aveugles, soit ignorants soit complices. À vouloir séparer l'économie de la politique, on a d'abord laissé les banquiers influencer les décisions politiques puis les prendre à la place des gouvernements. Pendant que nous perdions notre temps à élire des responsables de plus en plus irresponsables, les véritables décideurs, n'ayant nul besoin d'être choisis par le peuple, s'emparaient du pouvoir réel.

Le principal talent des capitalistes (car il faut bien les appeler par leur nom !) consiste à savoir nous faire prendre des vessies pour des lanternes, à nous "enfumer" de telle sorte que nous  perdions toute conscience, toute lucidité, toute sagacité et que devenions des moutons se laissant tondre.

Le 3 janvier 1973, une loi a interdit à l'État français d'emprunter à la banque de France à taux zéro. Il doit s'adresser aux marchés financiers et, donc, payer des intérêts. Vingt ans plus tard, l'article 104 du traité de Maastricht (adopté en 1992 et entré en vigueur en 1993) a étendu cette interdiction à tous les États de l'Union européenne. Deux ans après le rejet, en 2005, par référendum du projet de traité de l'Union européenne, le traité de Lisbonne (adopté, si besoin était par voies parlementaires, fin 2007, et entré en vigueur fin 2009), a confirmé cette disposition en son article 123.

La privatisation non plus seulement de l'activité économique mais des budgets des États conduit là où nous en sommes : à des taux usuraires les banques étranglent les États en difficulté (c'est le cas, spectaculaire, de la Grèce et de l'Espagne), mais la solidarité entre États ne peut jouer que si les États "forts" paient, pour les États "faibles", des intérêts monstrueux qui font vaciller l'Union européenne tout entière ! Ainsi voit-on des agences de notation (une invention récente qui sert à médiatiser les pressions exercées par les marchés financiers) se mettre à douter des capacités de l'Allemagne elle-même.

La débandade des pouvoirs politiques, impuissants devant les marchés, les révélations scandaleuses des méthodes de financement d'établissements bancaires géants, tels que Barclays ou HSBC, font apparaître au grand jour ce qui était caché aux yeux des citoyens : faire payer les petits pour enrichir les gros n'est plus une formule inventée par un marxiste doctrinaire, c'est tout simplement une entreprise, voulue, pensée, "scientifique" menée au niveau mondial.


Le principal reproche à faire à tous ceux qui se sont laissés berner ou qui ont "touché" le prix de leur silence, c'est que nous voici englués dans une matière dont nous ne pourrons nous décoller sans des événements brutaux, avec ou sans guerre, mais de toute façon, intraitables dans le cadre du droit national ou européen, lesquels sont cadenassés par des textes tout entier favorables à ceux qu'il faudrait mettre au pas. 


C'est quand une maison s'écroule qu'elle est le plus dangereuse. Nous voici réduits à n'être que les spectateurs d'un désastre. Être conscient n'y suffit pas. Inutile de dire qu'on va sauver l'industrie automobile ; PSA fermera à Aulnay. Inutile de croire que la solidarité européenne va sauver les peuples surendettés ; les égoïsmes nationaux l'emporteront. Et surtout, surtout, inutile de penser qu'on réduira les dettes au moyen des efforts des citoyens ; c'est le mécanisme de la mise en dette des États qu'il faudrait briser. mais qui le veut ? Qui le peut ? Comment supprimer ce qu'on a voulu : mettre les budgets sous la dépendance des marchés financiers ?

Les questions sont posées. Toute action et toute recherche politique qui, peu ou prou, se satisferont du statu quo, entraineront le monde à sa perte ou à des souffrances telles que l'humanité s'en trouvera, de nouveau, comme au siècle dernier, blessée pour longtemps. 

Mais pourquoi donc l'histoire humaine n'est-elle faite que de drames dont les plus affreux sont produits par l'action humaine elle-même ? Vieille interrogation qui doit demeurer sans fin ? Pourquoi cela : ce qui se conçoit peut se produire !

(1) Collectif d'écriture des indignés d'Annecy, De la dette, Indignons-nous, gap, éditions Yves Michel, juin 2012.


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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux

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