samedi 5 janvier 2008

La transparence opaque

La transparence, souligne, aujourd'hui, 5 janvier, le journaliste Ivan Levaï, dans sa chronique hebdomadaire de France-Inter est une belle justification de la "people-isation" de la politique. Puisqu'il faut se montrer pour avoir un destin public, eh bien : montrons-nous, exposons-nous, exhibons-nous, déshabillons-nous... À chacun la possibilité de montrer ce qu'il veut de son intimité; ce choix devient une nouvelle forme de la politique. Pourtant, la pudeur ne consiste pas à masquer son corps mais à préserver son quant à soi, ce qui nous est propre et doit le rester. Qui est transparent risque de ne pas exister : on voit à travers lui, son vide.

Je me suis toujours défié du mot transparence. Curieux mot qui sert à cacher ce que l'on prétend vouloir montrer à tout le monde. On prend à témoin l'opinion qu'on ne lui dissimule rien alors que c'est faux ou pire : impossible. Ainsi en est-il de "la transparence de gestion" dans les finances communales. Il ne peut y avoir transparence pour au moins trois raisons : la complexité qu'aucune pédagogie du verbe ne peut surmonter, la rivalité politique qui interdit d'ouvrir à l'opposition la compréhension totale de ses intentions, et enfin l'opacité qui accompagne toute activité de construction publique d'un projet qu'on ne veut pas voir sabordé avant même qu'il soit achevé.

On confond transparence et honnêteté, loyauté, effort de vérité. Ce n'est pas la transparence du contenant qui compte, c'est la substance du contenu. Et accèder à ce contenu ne va pas de soi! De l'extérieur, au travers de la vitre, quand on a tiré les rideaux, on peut voir ce qui meuble l'espace privé et quels sont ceux qui y circulent. Aux Pays-Bas, cette large ouverture des fenêtres sur la rue fait partie de la civilisation locale. Ce n'est pas une transparence. On n'entre pas chez autrui comme dans un moulin et la "vie intérieure" n'est pas révélée ou dévoilée...

La transparence n'est pas en soi une valeur. C'est, au mieux, un avertissement lancé aux citoyens : on cherche à ne rien cacher de qui ne doit pas l'être mais cela n'empêche pas de cacher ce qui doit l'être. Prétendre à une transparence totale serait un mensonge. La transparence, invoquée, a tout propos comme une qualité politique, est un concept opaque.

Et puis, se vouloir transparent, n'est-ce pas s'afficher comme transpercé par la lumière, incapable d'en capter les rayons et donc privé de la possibilité de réfléchir la vérité, de réfléchir tout simplement, parce qu'on interdit au public de douter de la sincérité des informations fournies?

De quelqu'un qui est vide de pensée, qu'on voit de moins en moins, et qui, comme une vitre, brille parfois mais ne retient rien, on dit qu'il est transparent. Méfions-nous de la transparence, c'est un vocable ambigu, parfois une indécence bien plus grave que la nudité que chasse la paparazzi : ce peut être une tromperie intellectuelle, une faute contre l'esprit, une inversion de la perspective qui interdit de voir loin en satisfaisant, parmi les citoyens, les innombrables benêts qui ont la vue courte.

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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux

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