dimanche 9 mai 2010

Un catholique de gauche : ça n'existe plus !

"Où sont-ils passés les cathos de gauche" demandait l'hebdomadaire La Vie, dans son numéro 3364 de février 2010. Je ne découvre, accidentellement, cette parution qu'à présent. Mais la question est permanente et m'interpelle.

Je ne sais s'il est encore des "cathos de gauche", mais ce que je sais bien, c'est qu'il ne peut y avoir de "cathos de droite" !

Soyons précis. "Cathos" est une désignation familière qui n'est guère attirante. Est chrétien celui qui se réfère principalement, pour vivre, à Jésus Christ. Est "catholique" le chrétien qui a la passion de l'universel et pour qui "il n'est ni juif ni gentil" tout homme étant un prochain, un autre moi-même. Ce catholique ne peut qu'être citoyen du monde.

Restons précis ! "La gauche" n'est qu'un positionnement historique qui permet, dans le champ politique, de constater où se situent les acteurs de la vie publique qui ont pris parti pour les défavorisés de l'organisation économique et sociale actuelle, mondialisée.

Cette gauche défaille et il se pourrait qu'elle soit morte. En effet, s'y efface progressivement la contestation du système capitaliste qui était à l'origine de toutes les orientations de l'action des syndicats, coopératives, associations et autres partis situés "à gauche".

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Marc Sangnier (1873-1950). www.marc-sangnier.com

Les catholiques se perdent dans cette dilution du politique qui ne permet plus de "prendre position", c'est-à-dire d'affirmer où l'on se trouve dans ce champ d'actions que constitue toute société. Les repères dont ils disposaient, avec l'Évangile, ne sont plus même mis en avant par leur Église ! "On ne peut servir deux maîtres, Dieu et l'argent", "celui qui prendra l'épée périra par l'épée", "mon royaume n'est pas de ce monde" : trois choix de vie détournés ou oubliés.

Car si "mon royaume n'est pas de ce monde", ce n'est pas qu'il se situe dans le Ciel, c'est qu'il n'est, sur cette Terre, ni voulu ni recherché. Un tel monde serait sans pouvoir d'un prince (ayant pouvoir sur la personne de l'autre), sans violence légitime ( la violence dont l'État a le monopole, exercée au nom du droit), sans argent-roi (non la monnaie, mais le capital accumulé). Autant dire que cette utopie créatrice est aux antipodes de la droite. Un catholique de droite serait un feu humide ou un sel fade ou athlète sans muscle ! Pire, ce qu'exècre le plus les tenants de la droite, c'est ce que le message du Christ diffuse : l'égalité, le partage, la simplicité, le don, la non-violence, l'amour en actes dans des communautés sans privilèges.

Les catholiques pourraient, s'ils étaient chrétiens, écarter sans peine les choix politiques de la droite et ne pas se soucier de la disparition de la gauche puisqu'ils connaissent la voie à suivre. Marc Sangnier avait tenté de réconcilier le christianisme avec la République et un socialisme humaniste. Emmanuel Mounier avait des sympathie pour l'anarchie quand elle est "self-government" et cherchait à déborder, avec le personnalisme, le communisme marxiste. Un "catho de gauche" est, aujourd'hui, une espèce en voie de disparition parce que la gauche, infidèle à elle-même passe ou trépasse. Elle se suicide. Le catholique n'entre pas en dialogue avec elle parce qu'elle ne dit plus rien.

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Emmanuel Mounier (1905-1950). www.emmanuel-mounier.com

Nous vivons des temps de décomposition et de recomposition. Partis, églises, sectes et autres confréries sont des structures inopérantes. Une révolution intellectuelle s'effectue. Les catholiques n'y échappent pas plus que les autres citoyens. S'ils ont des outils pour aborder un siècle où l'universel, la solidarité, l'hospitalité, l'écosophie sont devenues des nécessités pour que l'espèce humaine survive, il leur faut abandonner des rites, des costumes, des a priori autoritaires, des prétentions à disposer de la vérité qui les enfoncent dans le ridicule ou l'odieux. Ce n'est pas par hasard que des prêtres ont pu se laisser aller à dominer des corps d'enfants : cette contradiction absolue entre l'amour et le viol n'est pas sans causes. Les rechercher est une priorité et si elle ne le fait l'Église mourra. ("Ce que vous faites à un seul de ces enfants, c'est à moi que vous le faites" rapporte l'évangéliste.)

Nul ne pourra plus dire son catholicisme, de gauche ou non, tant que l'au-delà de la droite et même de la gauche n'aura pas été réaffirmé, c'est-à-dire l'abandon du pouvoir pour le pouvoir, de la violence comme moyen de lutter et de l'argent comme mesure de la richesse.

Un catholique de gauche : ça n'existe plus !
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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux

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