On va solliciter l'avis des électeurs dans plusieurs villes de France, au cours des semaines et mois à venir. Il s'agit toujours d'obtenir l'accord des électeurs pour que les résidents permanents puissent, en France, comme c'est le cas, dans bien d'autres pays européens, participer aux élections locales, quelle que soit leur nationalité.
Cette initiative correspond à une vieille revendication démocratique, mais révèle, aujourd'hui, en même temps que son utilité non encore reconnue, toute son insuffisance politique !
Habiter dans une ville avec sa famille, y payer ses impôts, y envoyer ses enfants à l'école et ne pouvoir rien exprimer quant à l'orientation des politiques municipales a quelque chose d'inadmissible et de grotesque ! Pourtant, ce minimum de participation à la vie citoyenne est encore fort éloigné de la pleine citoyenneté.
On peut se demander si l'on n'a pas échoué à faire reconnaître l'évidence du droit de vote aux élections locales parce qu'on avait limité les ambitions citoyennes ! Voter à l'occasion des élections locales est bien le moins, mais ce n'est pas le mieux !
Enfermer la citoyenneté dans la nationalité marque le triomphe du nationalisme et les partis politiques de la droite dure, en France, de l'UMP au Front national, ont obtenu que la citoyenneté européenne de résidence soit renvoyée aux oubliettes.
Le temps est donc revenu de mettre les points sur les i devant tous les timides et sectaires qui s'opposent, de façon muette ou virulente, au droit de vote des étrangers à toutes les élections, lesquelles pourtant les concernent !
La citoyenneté de résidence est l'équivalent de la citoyenneté mondiale dès lors que notre planète, la Terre, est notre unique lieu de vie, de résidence, là où nous sommes citoyens, c'est-à-dire acteurs de la vie commune. La citoyenneté européenne de résidence est, dès lors, la forme localisée de cette co-responsabilité, sur le territoire européen.
La citoyenneté européenne existe en droit mais, hélas, point en fait. Les citoyennetés nationales la précèdent et lui font obstacle. L'Europe politique est une "communauté d' États-nations" qui restent tout puissants en leur espace et qui, presque tous, n'acceptent pas les limitations de souveraineté, pourtant très réduites, que suppose le vote des immigrés ou autres habitants étrangers.
Soyons clairs : pouvoir voter aux élections locales et européennes (mais pas législatives ou référendaires) quand on détient le passeport ou la carte d'identité de l'un des 27 États de l'Union européenne, est discriminatoire par rapport aux étrangers « non communautaires » qui ont le même vécu en France ! Un Suisse de Chambéry ne dispose pas des mêmes droits électoraux qu'un Italien de Grenoble. Un Irlandais peut voter, pas un Islandais, un Roumain pas un Moldave, un Suédois pas un Norvégien, un Slovène pas un Croate, etc... Ne parlons pas des étrangers venant d'un ex-pays colonial : un Malien de Paris ou un Algérien de Marseille, en France depuis plus de vingt ans, n'ont aucun droit de vote en France, (Zinedine Zidane, oui, son père, non !).
Tout cela pourrait être tourné en ridicule s'il ne s'agissait du suffrage universel. Voter là où l'on vit est un acte d'insertion utile au pays d'accueil !
Les Roms, une fois de plus, interpellent notre citoyenneté. Leur résidence, c'est l'Europe tout autant que le pays où ils séjournent, souvent depuis de nombreuses générations. Sans territoire de référence, sans romanoland, ils sont nos concitoyens et pas toujours nos compatriotes. C'est insensé ! Les résistances rétrogrades des professionnels de la délimitation des pouvoirs demeurent efficaces. De même que la France fut l'un des derniers États à ouvrir le droit de vote aux femmes, elle sera l'un des derniers à l'accorder à ses habitants permanents non Français.
Mais ne faut-il pas se porter plus loin dans l'avenir ? Pendant combien de temps encore un Rom belge ou bulgare, demain serbe ou kossovare, monténégrin ou macédonien, ne pourra exercer ses droits de citoyen qu'en fonction de sa nationalité ? Comme on comprend que les Roms soient si peu nombreux à voter ! Qu'est-ce que cela changerait ? La mondialisation des marchandises, des capitaux, des entreprises va décidément plus vite que la mondialisation des politiques ? Se prononcer sur le réchauffement climatique, d'ici dix ou quinze ans, pourra-t-il dépendre des votes émis État par État ?
Élargir nos vues, penser en citoyen de l'Europe, en habitant de l'Europe, en résident de l'Europe, ce à quoi sont amenés les Roms qui y vivent depuis six à sept siècles, devient une nécessité qui ne fait pas abandonner son amour pour le pays natal mais qui ne nous y enferme pas.
Voter, pour certains, à toutes les élections, et, pour d'autres, à certaines élections seulement ou à aucune, bien que tous résidents du même pays, rompt l'unité de la vie sociale, peut engendrer la discorde, et retarde la nécessaire conscience du sort commun des hommes et des femmes établis sur un même territoire.
La régression républicaine se manifeste-t-elle donc avec toujours plus de constance ? Sauf à sortir des repliements idéologiques et institutionnels, nous entrerions dans une stagnation démocratique désespérante ! Le vote n'est jamais que le prolongement d'un vie sociale commune. Limiter l'un c'est limiter l'autre. La citoyenneté de résidence, européenne d'abord, ne se vit pas en tranches mais globalement. Des élections locales aux élections politiques les plus décisives, c'est du vivre ensemble, du tout vivre ensemble qu'il s'agit.
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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux