Ceux qui nous gouvernent, qui n’ont pas voulu soutenir clairement les Tunisiens en lutte, qui ont bien tardivement rompu les liens avec le dictateur Ben Ali, qui étaient prêts à tout accepter de la part des prévaricateurs pour peu qu’ils fassent obstacle aux islamistes, seraient–ils aveugles et dangereux ? La prudence voudrait, alors, que, d’urgence, nous leur ôtions, notre confiance, sans attendre les prochaines élections.
« Sarkozy dégage » ?
Les slogans « Ben Ali dégage » et « Moubarak dégage » ne voulaient pas dire seulement : que parte le chef, mais qu’on en finisse avec le système dont ces monarques étaient l’incarnation. Il a fallu, plusieurs dizaines d’années durant, la domination sans partage des puissants avant que l’insurrection de la pauvreté devienne irréversible et invincible. Une fois de plus, quand un peuple intervient dans l’histoire, on constate que c’est imprévisible et impossible à mater, car le désespoir l’emporte sur la peur, et la mobilisation est gigantesque. La leçon est une nouvelle fois donnée : la répression, si violente soit-elle, ne peut rien quand les citoyens sont, en majorité, dans la rue, déterminés et prêts à tout risquer, y compris leur vie. Est-ce ce qui a manqué lors des énormes manifestations, en France, contre la pseudo réforme des retraites ?
« Sarkozy dégage » ?
Les oligarques se défient du peuple. L’exemple que donnent les Tunisiens et les Égyptiens, qu’ils obtiennent ou pas satisfaction, c’est-à-dire qu’ils réussissent ou non à entrer dans une véritable démocratie, fait peur non seulement aux leaders des États arabes voisins, mais aussi aux politiciens des démocraties fictives, d’où sont données des leçons au monde entier, bien à tort ! Les faux opposants, en France, qui ne rompent que mollement avec le régime rigide et soumis aux riches, que le chef de l’État et son parti, l’UMP, animent, ont mal compris ce qui émerge en Afrique du Nord. Il y a un lien entre les peuples qui vivent autour de la Méditerranée. L’Union Pour la Méditerranée, l’UPM (et pas l’UMP) est soit l’alliance des profiteurs, sur les deux rives, soit tout autre chose que n’avait pas prévu le promoteur de l’UPM : l’alliance des petites gens qui n’en peuvent plus de faire les frais de politiques économiques injustes et brutales. Du Portugal à la Grèce, de l'Égypte à la Tunisie et, bientôt, de l'Italie, à l'Epagne et à la France.
« Sarkozy dégage » ?
Il faudra bien que cette question soit posée ! Si des peuples, longtemps victimes de dictatures impitoyables, parviennent à secouer le joug qui pesait sur eux, comment des peuples ayant, dit-on, une longue expérience de la démocratie, pourraient-ils supporter longtemps de n’avoir d’autre mot à dire que celui de dire « oui », en s’en remettant, par leurs votes, de loin en loin, à des élites élues, à des professionnels de la politique et de la finance ? Pour cette Europe qui a voulu occidentaliser le monde entier et qui a failli réussir à le dominer, siècle après siècle, le temps est venu de recevoir, à son tour, des leçons de démocratie. Et la première d’entre elles reste que le souverain, depuis les Philosophes des Lumières, c’est le peuple tout entier, pas seulement les forts, les riches et les savants, mais tous les citoyens à qui l’on n’a cessé de confisquer le pouvoir, leur pouvoir, celui de décider de leur propre sort. La réélection possible de Sarkozy, en 2012, ne serait pas seulement une catastrophe mais, au-delà de sa personne, l’installation d’une autocratie et d’une oligarchie étroitement associées, reportant, de nouveau, dans le temps, la possibilité de voir la France se sortir de cette caricature de démocratie dont nous nous sommes contentés depuis 1958.
« Sarkozy dégage » ?
Nicolas Sarkozy nous cache ce qui l’a porté, et le porte quotidiennement encore, au-devant de la scène politique. S’en débarrasser politiquement ne suffira pas. « Sarkozy dégage » ? sera une condition sans doute nécessaire mais nullement suffisante du changement dont la France a besoin. Nous aurons perdu plusieurs années à focaliser notre attention sur un personnage dont l’aura est chaque jour entretenue par des médias largement aux ordres. Nous aurons, pendant ce temps, souffert de cette fonction constitutionnelle de la Ve "République" qui met le Parlement aux ordres d’un Chef d’État plus puissant qu’un roi au pouvoir absolu ! Nous avons régressé en-deçà de la Révolution française, en tout cas en-deça de ce temps où toute monarchie constitutionnelle ou républicaine était condamnée.
« Sarkozy dégage » ?
Le retour de l'injure ("casse-toi, pauv' con"), si souvent entendue dans les cortèges de manifestants ne satisfait que ceux qui se contentent de crier leur dépit. Faire obstacle, vraiment, à une déchéance de la République exige davantage : la désobéissance civile concertée, motivée, appuyée sur le mouvement populaire qui se "manifeste" en cent lieux, en France et ailleurs.
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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux