Il faut se lâcher. Oser. Dire ce que l'on pense. Tant pis si l'on choque.
Chaque jour fournit son lots d'informations plus déprimantes les unes que les autres. Ce sont "les marchés" qui font et défont la politique. Qui nous dira, un jour, qui sont ces "marchés", faussement anonymes ? Les dirigeants ne dirigent plus. Ils obéissent aux exigences des dits marchés.
Il y aurait pire que la réélection de Nicolas Sarkozy : le maintien de sa politique par ceux qui disent la combattre ! Ne nous laissons pas enfermer dans ce piège qui vient de nous être tendu : ce sera Hollande ou lui. Le capitalisme soft ou la capitalisme hard, en quelque sorte. La logique d'un PS, à présent presque totalement inféodé au social-libéralisme, ne peut mener qu'à la perpétuation de ce que nous refusons.
Le nucléaire ? On continue ! Les EPR ? Un sur deux ! L'aéroport de Notre-Dame des Landes ? On le fera ! La retraite à 60 ans ? Non au retour en arrière promis, sinon de façon exceptionnelle... J'en passe ! Et surtout la fausse Europe qui est, et restera, l'Europe des marchés et des marchands, donnant ses ordres aux États pour qu'ils satisfassent les obligations des financiers.
De DSK à Hollande, en politique, il n'y aura eu que des nuances. Le parti de Jaurès et de Blum a définitivement disparu. Lui a succédé, peu à peu, un autre parti n'ayant rien à refuser aux possédants, l'un des partis d'une Internationale socialiste encore présidée par... George Papandreou. Ce socialisme là n'a ni passé ni avenir.
Son passé ? En France, il l'a oublié (avec l'assassinat de Jaurès l'anti-guerre, avec le suicide de Salengro tué par la haine de la droite, avec le début de changement de vie du peuple, grâce à Blum et au Front populaire, avec l'approbation du Programme national de la résistance, amis en œuvre dès les lendemains d'un conflit qui laissait pourtant la France en ruines...)
Son avenir ? Ce serait le capitalisme revisité, "humanisé", contrôlé (après les trahisons successives de Mollet, en 1956, par rapport à la guerre coloniale d'Algérie, celles de Mitterrand, en 1983, cédant déjà -ce fut le grand virage !- aux injonctions des marchés, celles de Jospin, en 2001, bloquant les portes constitutionnelles, déjà ouvertes, afin de pérenniser le présidentialisme, en modifiant l'ordre des scrutins présidentiel et législatif...). Bref, ce fut le début de la soumission aux banques, quitte à faire semblant, parfois, d'en faire la critique. Duplicité !
Il n'y a plus de politique, plus de socialisme, plus de parti du socialisme. Seulement, d'un côté, des résignés toujours avides de croquer dans le gâteau du pouvoir et, de l'autre, des protestataires, des contestataires, des retardataires, des "révolutionnaires" qui cherchent, dans les décombres du passé, des bribes d'espoir mais qui ne peuvent nourrir que des nostalgies.
Alors ? S'indigner ne suffit pas affirme lui-même le vieux Stéphane Hessel. Il faut vouloir une autre vie et la vivre.
"Élections, piège à cons" hurlaient les jeunes, en 1968. Devenus vieux, ces libertaires, trompés par les partis et d'abord le PCF, par certains syndicats et par leurs propres illusions, se sont rangés. Je sais des citoyens qui, pendant cette époque, n'avaient jamais encore ouvert la bouche, devenus, en quelques semaines, admirables par leur clarté et leur éloquence, qui sont retournés à jamais au silence, déçus par leur impuissance après tant d'espérances.. Sommes-nous en train de revivre ce drame en pleine mutation civilisationnelle ? Au moment où s'élargit l'horizon, il se bouche !
C'est toute une autre approche anthropologique dont nous avons besoin. L'humanité, -sept milliards d'êtres, ce qui n'exista jamais auparavant ! - ne peut continuer son parcours historique dans de pareilles malversations qui, littéralement, rendent les moins riches pauvres et les pauvres misérables ! Nous avons besoin de bien mieux que d'une révolte: d'un refus. Refus du maintien de ce qui cause la paralysie des citoyens, refus d'obéir à des lois et règlements qui n'ont plus d'abord, comme objectif, la recherche de la justice mais, le plus souvent, le maintien de la domination des puissants.
Que Berlusconi ait duré si longtemps en aura été l'une des preuves. Mais, ne l'oublions pas, Ben Ali, Moubarak, Khadafi, ont été les amis d'hier de nos actuels dirigeants. N'accablons pas le malheureux Papandréou, humilié, incapable de faire autre chose que de faire payer les dettes de son pays à des taux de... 25%. Souvenons-nous de Laurent Gbagbo, hier aussi l'un des leaders de l'Internationale socialiste, qu'il vaut mieux tenir bien enfermé pour éviter qu'il ne parle. Et que dire de Zapatero qui va quitter le pouvoir, après que l'Espagne soit passée de l'État modèle, soutenu par les marchés, à l'État exsangue battant tous les records de chômage. On peut allonger la liste de ces sortants-sortis, situés à droite ou à gauche, dont le pouvoir ne s'exerçait plus sur la réalité économique mais, à défaut, sur leur concitoyens, jetés dans une crise artificielle, fabriquée, depuis bien longtemps née, et qu'il va falloir payer !
Toutes ces mises en scène, ces voyages de stars politiques, ce sommet qui, à Cannes, nous a produit un bien mauvais cinéma, masquent mal des changements structurels, écologiques et sociaux dont ceux qui ne savent penser autrement que dans leur bulle de verre opaque ne veulent rien voir.
Les hommes n'ont jamais su vivre longtemps sans espoir, sans foi, sans pouvoir se projeter, eux et leurs enfants, vers un avenir motivant. La situation actuelle ressemble à un vilain polar tragique et, de surcroît, raté. Impossible d'imaginer que perdurent ces incertitudes, ces impitoyables contraintes mal réparties et ces banalisations du pire. La Grèce et l'Italie sont sur le point de tomber de Charybde en Scylla. Quel que soit leur premier ministre, il ne lui suffira pas d'écraser les citoyens pour en extraire tout le jus capable de rassasier les fauves qui se sont emparé de l'agora. Les contes qui relatent la soumission des peuples obligés de sacrifier des innocents pour nourrir les monstres n'ont pas cessé d'être racontés aux enfants mais toujours survenait celui ou ceux qui délivrent...
Ne comptons pas sur les héros antiques ou ceux de Perrault pour nous éviter d'être dévorés. Quand nous aurons saisi que nous ne pouvons compter que sur nous, nous serons, comme nous le prédisait La Boétie, à l'abri des tyrans, qu'ils soient des dictateurs ou des chefs d'État, ces rois nus que flattent des conseillers impies, ceux qui se sont emparés subrepticement du sceptre.
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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux