mercredi 29 décembre 2010

De l'intérêt des élections inutiles

En 2011, deux élections vont exciter la curiosité des politiciens en tous genres.

L'élection cantonale des 20 et 27 mars sera, probablement la dernière ! Les Conseillers territoriaux cumulant, à dater de 2014, les fonctions de Conseiller général et de Conseiller régional, c'en sera fait, alors, des Assemblées départementales, du moins telles qu'elles existaient depuis environ 140 ans.

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On votera donc, au printemps prochain pour désigner, exceptionnellement, des conseillers généraux pour trois ans.

La moitié des cantons, 2023 exactement, dont 1941 en métropole, vont être renouvelés, à l'occasion de cette dernière élection cantonale qui a gardé, depuis l'origine, son mode de scrutin particulièrement antidémocratique : le scrutin uninominal à deux tours.

Tout y est prévu pour interdire l'élection et même la candidature des candidats des petites formations politiques et favoriser le bipartisme. Il faut, en effet, au premier tour, obtenir 50% des suffrages exprimés et 25% des électeurs inscrits pour être élu. Au second tour, sinon, ne peuvent se re-présenter que les candidats ayant obtenu au moins 10% des inscrits, (ce que le fort taux d'abstention habituel rend fort malaisé !). Les deux candidats en tête du scrutin de premier tour ne sont pas, eux, soumis à cette règle, ce qui arrive quand trois, voire quatre candidats, obtiennent des résultats proches). En 2014, ce sera pire : les élus territoriaux devront recueillir au moins 12,5% des inscrits pour être présents au second tour...

Une page se tourne, se déchire même, celle que Nicolas Sarkozy a voulu écarter des livres du droit électoral. Les élus du 17 mars 2008 auront ainsi été les derniers à siéger six ans. Les élus du 27 mars 2011 seront les premiers à ne siéger que trois ans. Les 58 assemblées "de gauche" et les 44 assemblées "de droite" seront recomposées en 2014 et le pouvoir actuel espère bien que le rapport des forces y sera modifié. Mais, d'ici là, la logique institutionnelle actuelle peut subir une véritable épreuve.

Les élections sénatoriales de septembre 2011 risquent de créer un événement inédit : créer un alternance entre l'Assemblée nationale à majorité UMP et le Sénat pouvant obtenir une majorité PS. Le corps électoral de second degré a, en effet, subi, des modifications : les quelques 577 députés, 1870 conseillers régionaux, 4 000 conseillers généraux, 142 000 délégués des conseils municipaux qui le composent ne sont plus aussi conservateurs. Les 348 sénateurs, après 2011, dont aucun ne siégera plus de six ans (contre neuf ans, pendant longtemps) éliront le deuxième personnage de l'État, le Président du Sénat, lequel pourrait donc devenir un rival de fait du Président de la République.

Ce remue-ménage est fort intéressant et cependant plus curieux qu'utile.

Je ne pleurerai pas sur la fin des départements, des cantons, des sous-préfectures tôt ou tard destinés à disparaitre dans une recomposition de l'organisation territoriale de la France qui finira bien par cesser d'être... napoléonienne ! S'il n'y avait, dans les intentions du clan sarkoziste, la volonté de mettre au pas ces élus qui regimbent, il me serait bien indifférent de voir apparaitre des élus territoriaux aux responsabilités régionales et locales tout à la fois.

Malheureusement, il faut se méfier des changements qui n'en sont pas, des réformes qui déforment, et ce qui importe c'est de conforter l'opposition politique à un régime qui se durcit de façon très inquiétante. Est-ce qu'une candidature aux élections cantonales y peut contribuer ? Sans doute pas, mais la mise en évidence des effets de ces élections sur le paysage politique peut fournir l'occasion de manifester un peu plus, sous des formes variées, le rejet de l'actuel hôte de l'Élysée, et de ses soutiens. Et cela, par contre, n'est pas inutile.

Je ne peux croire que le Sénat devienne le siège de l'opposition républicaine. Il est, depuis sa création, le siège du conservatisme. Tout ce qui y réside devient, peu à peu, bien pensant et résistant à tout changement radical. Autant dire que la gauche de la droite, constituée par les sénateurs socialistes, n'y fera ni la révolution ni même un rempart efficace aux initiatives de l'Assemblée nationale. Un jeu subtil, qui n'intéressera pas le peuple, permettra aux parlementaires d'user leur temps, leur parole et leurs écrits pour aboutir à des compromis dont les trois quarts seront des compromissions. Le Journal d'extrême droite Minute estime même que le passage du Sénat "à gauche" serait la chance de Nicolas Sarkozy pouvant, alors, diaboliser ses adversaires en imputant au Sénat la responsabilité de sa propre paralysie politique. Ce qui est irritant avec le Front national, c'est que, lui, peut se payer le luxe de faire de la politique, ce que nous nous interdisons trop souvent ! Ne peut-on craindre, en effet, que l'on s'use à rechercher comment, en 2012, refaire le coup qui aurait été gagnant en 2011 : glisser vers une alternance, mais sans alternative.

Tant que ne seront pas remises en question les institutions de la Vème République, -mais nul n'en parle plus, ni de la dissuasion nucléaire d'ailleurs, ni du bouleversement écologique et énergétique, ni de la paupérisation d'une part croissante de la population, etc...- les élections locales ou nationales pourront bien nous amuser et nous donner de la lecture... Cela ne changera rien sur l'essentiel de ce qui fait nos vies. À moins que ce soit les événements, actuellement inattendus et imprévisibles, qu'aucun scrutin ne déclenche mais enregistre, qui renouvelle l'intérêt d'élections trop souvent inutiles.

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Le 3 octobre 2013.
Et maintenant, exprimez-vous, si vous le voulez.
Jean-Pierre Dacheux

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